La mondialisation aidant, la contrefaçon, à travers tous ses aspects que sont l'imitation, le plagiat et le piratage, n'a pas cessé de connaître un terrible essor qui met les industriels et les créateurs en danger et les pouvoirs publics face au défi d'agir efficacement et rapidement. Elle s'est érigé en véritable économie parallèle avec des circuits et réseaux de plus en plus puissants et solidement établis, comme le montre si bien l'élargissement des pans occupés par le domaine du commerce informel. Les responsables des services et institutions de l'Etat impliqués dans cette lutte se sont réunis, hier, à l'hôtel Aurassi, pour débattre de cette épineuse question, faire l'état des lieux et faire le point sur la meilleure conduite à tenir face à ce phénomène. Selon des sources, que le représentant du département du Commerce, M. Kerkouche, refuse d'accréditer, 1 300 000 produits contrefaits font irruption annuellement sur le marché local. M. Kerkouche, directeur du Centre national du contrôle de la qualité, indique que 40 à 60 % des produits entrant en Algérie sont contrefaits. Officiellement, les services des Douanes donnent entre 2002 et 2006, 1 700 000 produits saisis. Une remarque : 815 000 produits ont été saisis pour la seule année 2006. Force est de souligner en premier lieu le manque flagrant de coordination entre les organismes les plus aptes à lutter contre ce phénomène, chacun se contentant souvent d'agir dans les strictes limites de ses prérogatives, chose qui ne passe pas inaperçue, donc exploitée par les contrefaiseurs. A ce propos, il y a lieu de souligner que le niveau de la lutte n'est même pas au stade de fournir des données statistiques fiables et actualisées sur la base desquelles des mécanismes efficaces peuvent être mis en place. L'intervention de la directrice de l'Institut national pour la propriété industrielle, Inapi, laisse toute l'assistance sur sa soif. Mlle Kadri Nabila a indiqué "l'existence de 100 contentieux portés par l'Inapi devant les instances judiciaires pour contrefaçon pratiquée sur des marques de produits étrangers ou nationaux et de 43 marques de produits interdits à la circulations pour les même motifs, en Algérie et ce depuis 1966". Ces données, aux yeux des plus naïfs, ne constitueraient qu'une partie infime de la réalité du problème. Pourquoi ? Melle Kadri fait remarquer ceci : "nous agissons sur le réseau formel !". Pourtant, les sanctions sont sévères. Elle peuvent aller jusqu'au paiement d'une amende variant entre 250 millions et 1 milliard de centimes et jusqu'à 1 année de prison ferme… L'intervenant représentant l'Office nationale des droits d'auteurs, Onda, M. Abdelhakim Taoussar, a d'ailleurs indiqué, en l'exemple, au sujet des lenteurs observées par les tribunaux pour le traitement des contentieux relatifs à la contrefaçon que "sur 27 affaires portées devant le tribunal de Constantine, 03 seulement ont été solutionnées !" Défendant l'institution dont il est responsable, M. Taoussar a mis en exergue les facteurs contraignants comme la difficulté pour ses 47 agents assermentés de s'introduire dans le circuit de la vente informelle. Ces derniers ont fait l'objet de 55 agressions au cours de leurs missions. Concernant les produits phonographiques, audiovisuels de large consommation, le DG de l'Onda estime que 9 120 000 produits sont piratés par plusieurs opérateurs parmi les 5000 cybercafés activant en Algérie. En 2003, sur 25 millions de cassettes audio mises sur le marché, 15 millions d'unités sont éditées par le réseau de la contrefaçon. Ce qui donne un taux de 37%. Mieux, sur 4 millions de CD mis sur le marché, 1 120 000 seulement sont autorisés, pour un taux effarant de 75%. En 2001, ce trafic ne constituait que 16% en Europe… indique le responsable de l'Onda qui précise que notre pays vient en 9e rang mondial dans ce genre de trafic touchant aux produits de l'informatique. La situation est telle que le géant mondial de l'informatique, Microsoft en l'occurrence, est arrivé à interpeller l'Onda sur l'illégalité qui a frappé le déroulement de l'opération Ousratic, mise en oeuvre par Algérie. Microsoft reproche aux autorités algériennes le manque de contrôle des équipements mis en vente. L'Onda, touchée par les responsables de Microsoft il y a six mois, a pris connaissance des exactions selon les dires de son premier responsable qui n'est pas resté les bras croisés. "La réponse des opérateurs privés laisse le problème pendu puisqu'ils estiment que les coûts reviendraient trop chers si on vendait un matériel conforme aux normes". Quelles sont les retombées économiques ? Toute la question reste posée, mais le peu de données disponibles renseigne déjà sur l'ampleur des dégâts. Les fabricants de logiciels perdent 57 millions de dollars sous l'effet de la contrefaçon en Algérie, alors que les auteurs perdent 207 milliards de dinars… "Le résultat est fâcheux, dit M. Taoussar, on se dirige vers un désengagement des auteurs et l'arrêt de l'investissement dans la création".