Le ralentissement plus rapide et plus marqué qu'attendu de l'activité économique au sein de la zone euro depuis le deuxième trimestre va constituer un test pour le Pacte de stabilité de la monnaie unique réformé en 2005. La France, qui assure la présidence de l'Union européenne jusqu'à la fin 2008, apparaît très exposée en raison de l'insuffisant assainissement de ses finances publiques. "Lors de la précédente phase de ralentissement prononcé de l'activité au début des années 2000, les plus grands pays de l'UE avaient franchi le seuil maximal de déficit public et étaient tombés sous le coup d'une procédure de déficit excessif", rappelle Frédérique Cerisier, économiste à la banque BNP Paribas. "Les pays de la zone euro abordent le ralentissement conjoncturel actuel en ordre dispersé aussi bien du point de vue des perspectives de croissance qu'en matière budgétaire", ajoute-t-elle. La procédure de déficit excessif peut entraîner en fin de parcours de lourdes sanctions et c'est pour empêcher d'être mis à l'amende que Paris et Berlin avaient, en 2003, mis le Pacte entre parenthèses et déclenché une réforme de cet instrument. Si le Produit intérieur brut (PIB) de l'ensemble de la zone euro s'est contracté de 0,2% au deuxième trimestre, l'Italie a enregistré deux reculs de son PIB au cours des trois derniers trimestres et risque d'être la première économie de la zone euro à connaître une "récession technique" définie comme deux trimestres consécutifs de taux de croissance négatifs. La contre-performance de l'économie française (recul de 0,3% du PIB au deuxième trimestre) est certes inférieure à celle de l'Allemagne (baisse de 0,5% du PIB sur la période), mais la croissance trimestrielle moyenne sur le premier trimestre ressort à +0,4% en Allemagne alors qu'elle est pratiquement nulle en France. Sur le plan des finances publiques, la situation est aussi très contrastée. A l'échelle de l'ensemble de la zone euro, le solde général des finances publiques s'établissait à -0,6% du PIB en moyenne, la meilleure performance depuis 2000 et après -1,3% en 2006. Mais si l'Espagne affichait un excédent de 2,2% du PIB et l'Allemagne des comptes publics à l'équilibre, le déficit était encore de 1,9% du PIB en Italie et de 2,7% du PIB en France. La dynamique des finances publiques variait aussi très fortement, avec une majorité d'Etat membres dont les soldes budgétaires ont enregistré des améliorations souvent supérieures à un point de PIB. A l'opposé, le solde a baissé dans d'autres Etats membres dans des proportions inférieure ou égale à 0,5% point de PIB comme en Belgique, aux Pays-Bas, en Grèce ou en France. Le net ralentissement conjoncturel en cours pourrait très facilement amener quatre pays au moins à buter, voire à franchir le seuil des 3% de déficit public : le Portugal, la Grèce, l'Italie en raison de perspectives de croissance particulièrement dégradées et la France. Le choix de la France de reporter à 2012 l'assainissement de ses finances publiques et d'interrompre ses efforts en 2008 a été sanctionné par la Commission européenne qui a gratifié Paris d'une "recommandation politique". Pour autant, Bruxelles fait preuve de prudence et s'attache à apprécier avant tout la volonté des Etats membres de redresser à moyen terme leurs comptes publics", souligne Frédérique Cerisier. Selon elle, l'exécutif européen ne souhaite probablement pas rouvrir la crise institutionnelle de 2003-2004, lorsque les dépassements du seuil maximal de déficit public par l'Allemagne et la France avaient montré que la Pacte de stabilité était en partie inadapté. A l'inverse, la France fait elle aussi preuve de circonspection en réaffirmant sa volonté de tenir son engagement d'un déficit public ramené à 2,5% du PIB en 2008, prônant la poursuite des réformes et se refusant à une relance isolée. Tout au plus le Premier ministre François Fillon a-t-il souhaité que les Européens trouvent des réponses communes au ralentissement actuel. La ministre de l'Economie doit présenter au chef de l'Etat une "méthode" pour avancer sur ce point lors du conseil des ministres européens des Finances à Nice des 12 et 13 septembre. Mais avec un gouvernement allemand bénéficiant de finances publiques assainies et réticent à l'idée d'un plan de relance, "le poids politique n'est pas réparti de la même façon qu'au début de la décennie", relève Frédérique Cerisier et "si la France est relativement isolée". "En même temps, si la croissance au sein de la zone euro est faible sans être catastrophique, la souplesse apportée par la réforme du Pacte de stabilité devrait permettre que les choses se passent en douceur parce que tout le monde y a intérêt", estime-t-elle.