Grâce aux performances de la France et surtout de l'Allemagne, la zone euro a enregistré au premier trimestre une croissance nettement supérieure aux attentes qui tranche avec la faiblesse de l'économie américaine. Au vu de ces bons chiffres, la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, a estimé que si Bruxelles devait se prononcer sur les déficits publics français, une simple "recommandation" s'imposerait. "S'il devait y avoir une manifestation de la Commission vis-à-vis de la France, ce que j'ai un peu envie de combattre compte tenu des chiffres récents qui viennent de tomber, je pense que ce serait plutôt de l'ordre de la recommandation, c'est-à-dire du 'policy advice' (...) qui consisterait à nous dire : un, 'banco, continuez sur vos réformes', deux, 'attention à la dérive des dépenses publiques'", a-t-elle dit sur LCI. Mais les économistes ne voient dans cette révision à la hausse qu'un baroud d'honneur avant un deuxième trimestre qui verra le Vieux Continent emporté à son tour par le ralentissement économique mondial, et les statistiques du premier trimestre montrent déjà un inquiétant fléchissement de la demande des ménages dû à l'inflation.Sans conteste le chiffre du jour, la croissance allemande a atteint 1,5% par rapport au quatrième trimestre 2007, soit le double de ce qu'attendaient les économistes, selon l'estimation "flash" de l'Office fédéral de la statistique. "C'est un chiffre sensationnel. Les prévisions pour l'ensemble de l'année vont être forcément revues à la hausse", commente Matthias Rubisch, économiste de Commerzbank. L'Office de la statistique a expliqué cette performance essentiellement par l'investissement des entreprises. Au quatrième trimestre, la croissance allemande avait été de 0,3%. L'investissement des entreprises et des exportations meilleures que prévu ont aussi dopé la croissance française, qui a atteint 0,6% après 0,3% (révisé de 0,4%) au quatrième trimestre. C'est là aussi meilleur qu'attendu - le consensus était de +0,4% - et l'Insee a révisé au passage la croissance de 2007 à 2,2% au lieu de 1,9% initialement annoncé. Dans l'ensemble de la zone euro, la croissance est ressortie à 0,7% d'un trimestre à l'autre, là aussi supérieure au consensus qui était de +0,5%. C'est bien mieux qu'aux Etats-Unis où la croissance du PIB, mesurée à l'aune des critères européens, aurait été de 0,2%. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), et la porte-parole de Joaquin Almunia, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, se sont félicités de la performance de la zone euro au premier trimestre, tout en affirmant que le deuxième serait moins bon. "Les chiffres du premier trimestre sont bons, meilleurs que prévu (...) mais nous anticipons toujours un moins bon deuxième trimestre", a déclaré la porte-parole de Joaquin Almunia. Jean-Claude Trichet a jugé que les chiffres de croissance du premier trimestre montraient la "résistance" de l'économie de la zone euro. "Mais, comme je l'avais dit lors de ma dernière conférence de presse (...) le deuxième trimestre sera de toute évidence moins flatteur et le second semestre devrait également subir une sorte de ralentissement par rapport au premier", a-t-il déclaré lors d'une réunion à Vienne.D'ores et déjà, les chiffres du premier trimestre montrent que la croissance a été tirée par les entreprises et non plus par la demande des ménages qui, en France, était jusque là le principal moteur de l'activité. Les économistes y voient l'effet de l'inflation qui, même si elle a reflué à 3,3% en avril après un record à 3,6% en mars, alimente les inquiétudes sur le pouvoir d'achat tout en restant bien au-dessus de l'objectif de 2% fixé par la BCE. Parmi les autres pays de la zone euro, l'Autriche et la Grèce ont réalisé au premier trimestre des croissances de respectivement 0,8% et 1,1%. Mais les Pays-Bas n'ont pu faire mieux qu'un petit +0,2% et le Portugal a vu son produit intérieur brut se contracter de 0,2% par rapport aux trois premiers mois de 2007. L'Espagne avait annoncé mercredi une contraction de 0,3% de son PIB, soit sa plus mauvaise performance trimestrielle depuis 1993, année de récession. Comme le Royaume-Uni et l'Irlande, l'Espagne est frappée de plein fouet par la fin du boom de l'immobilier qui lui avait permis d'afficher une croissance supérieure à la moyenne européenne ces dernières années. La croissance britannique a ralenti à +0,4% au premier trimestre contre +0,6% en octobre-décembre 2007 et le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, a indiqué que le pays pourrait connaître un trimestre ou deux de contraction.