De par ses dimensions imposantes, la place des martyrs d'Adrar est classée parmi les plus importantes d'Algérie et constitue de ce fait un lieu de rencontre notamment en soirée quand la température devient plus clémente. Animée la nuit, cette place de 250 m de long et 150 m de large se vide aux premiers rayons du soleil quand le mercure atteint les 50°C. D'ailleurs, certains téméraires se lancent comme défi: "la traversée de la place, en plein été, à midi". Un pari difficile à tenir et une sanction dure à supporter surtout pendant le mois de Ramadhan. Dans leurs activités quotidiennes ou pour se rendre au marché "Bouda", un espace commerçant très fréquenté, les habitants préfèrent, dans la matinée, éviter cette traversée. Ils s'imposent des détours plutôt que de subir une traversée de la place des martyrs écrasée par les rayons du soleil. Après le f'tour, la prière des tarawih à laquelle les habitants accordent un grand attachement et le dîner, la place devient le lieu de rendez-vous du tout Adrar. L'esplanade, qui suscitait de l'appréhension le matin, accueille à la tombée de la nuit des familles et tous ceux qui veulent se ressourcer après une journée de labeur. La place devient le soir comme une ruche d'abeilles. Des groupes d'amis et de familles s'y retrouvent, assis en tailleur sur des couvertures (Zaoura en langage local), pour discuter et boire un thé à la menthe accompagné de cacahuètes servis par les nombreux marchands ambulants qui y officient. Cette façon de s'attrouper dans le vaste espace de la place est appelée par les habitants de la région "El forsada", indique un marchand ambulant, précisant qu'il assure chaque soir une vingtaine de couverts, des couvertures, des tables basses et des bancs, qu'il range sur sa charrette, aux aurores, pour rentrer chez-lui. Chaque soir que Dieu fait, notamment durant l'été et le mois de Ramadhan, ce marchant ambulant prépare plusieurs théières remplies d'un breuvage couleur miel, véritable nectar aux effluves mentholées. Il grille des brochettes de melfouf (morceaux de foie couverts d'une tranche fine de crépine d'ovin), qu'il sert à grande brassée à une clientèle éprouvée par une longue journée de jeûne. Non loin de cet espace qui rappelle les cours des palais de Baghdad, des familles prennent d'assaut les terrasses des crémeries ou des salons de thé alors que d'autres préfèrent passer leurs soirées dans les cafés, allongés sur une "forsada", à siroter un café dont l'exquise brûlure est apaisée par de grandes rasades d'eau fraîche ou à humer les volutes parfumées de la "chicha", ce narguilé oriental qui a fait son apparition pour renforcer les accessoires des restaurateurs et autres cafetiers vient adoucir davantage les soirées de la Place des martyrs.L'intérêt que portent les habitants d'Adrar à cette grande esplanade a poussé la direction de la jeunesse et des sports à installer un écran géant pour la retransmission des matches de football organisés au cours des derniers Jeux Olympiques de Pékin. Cette place que d'aucuns aiment à la comparer à la Place rouge de Moscou de par sa superficie, grouille de monde les matinées d'hiver et se vide en soirée. Situation inversée en été puisque l'espace se vide durant de longues heures de la journée avant de regorger de promeneurs le soir. Pour rappel, l'esplanade était, durant les années 60 à 80, un bois qui offrait de l'ombre aux passants. Des adraris fuyaient la canicule des journées d'été en s'enfonçant dans l'épaisse végétation de ce bois déserté de nuit par peur de mauvaises rencontres.