Au fil des jours, accusés et témoins, avec des témoignages plus insensés et absurdes les uns que les autres, défilent devant la présidente Fatiha Brahimi qui chapeaute le procès du siècle depuis son ouverture le 8 du mois en cours. Jeudi encore, lors de la dixième journée des audiences, nous avons eu plus de précisions sur le document trouvé dans la voiture de l'accusé Abdelhafid Chachoua ex-DG de l'unité de sécurité du Groupe Khalifa, un document qui évoquait le financement d'un film et qui appartenait selon les dires de l'accusé à son patron. En effet, un chèque de 770 000 dollars US a été signé en 2002 au nom d'un réalisateur de Hollywood, à savoir Joël Soler, qui devait l'encaisser dans une banque américaine à Los Angeles pour tourner un documentaire promotionnel sur le parcours d'Abdelmoumen Rafik Khalifa. Le chèque en question avait été découvert par les services de sécurité chez l'un des principaux accusés. Toutefois, un premier versement de 385 500 dollars US avait déjà été effectué. En revanche, le film documentaire, qui n'a apparemment jamais été réalisé, devait s'intituler : "Le phénomène Khalifa " Face à cette nouvelle découverte Chachoua a déclaré qu'il n'avait "aucune relation avec ce projet ; Abdelmoumen a oublié le chèque dans la boîte à gants de ma voiture vu que je le conduisais de temps à autre, lorsqu'il me le demandait ". Le choix du réalisateur a été fait minutieusement car Joël Soler est connu pour avoir réalisé en 2003 un documentaire, primé à des festivals internationaux, sur l'ancien président irakien Saddam Hussein. Cela dit, l'accusé Chachoua, qui est resté à la barre durant toute la journée du mercredi, a encore subi un interrogatoire de la part de la présidente et du procureur général durant la journée du jeudi. Mais l'accusé est resté ferme sur ses propos concernant l'affaire du sponsoring sportif de la banque Al Khalifa ; il a d'ailleurs précisé "madame la présidente, je n'ai aucun lien avec cette affaire ". La juge a alors appelé à la barre le témoin Lakhdar Belloumi, l'ex-joueur international de football, qui a été, selon ses dires, le représentant sportif de Khalifa Airways dans l'ouest du pays, de décembre 2000 jusqu'à la mise sous tutelle d'El Khalifa Bank, en mars 2003. "J'étais en retraite. On m'a proposé un travail avec un salaire de 80 000 dinars, chose que je n'ai pas refusé ". En constatant qu'il voulait se justifier, la présidente lui a rappelé qu'il était entendu comme témoin. Le témoin a souligné qu'il avait été chargé par le groupe Khalifa de conclure des contrats de sponsoring avec les clubs de football du Widad de Tlemcen, le MCO et l'ASMO. "En tant que représentant de Khalifa Airways auprès des présidents de ces trois clubs ; j'ai signé une seule fois des contrats de sponsoring, estimés à 4 millions de dinars chacun", a-t-il déclaré. L'un des avocats de la défense s'est demandé comment trois clubs de la même région, qui s'affrontaient en tant qu'adversaires, pouvaient porter sur leurs maillots le nom du même sponsor. "C'est faisable, tous les clubs de 1e division de la Capitale étaient sponsorisés par Khalifa ", a répondu Belloumi avant d'ajouter : "j'étais invité à assister au match France-Algérie, en octobre 2001, par (son) employeur de l'époque, et à la signature, en juin 2001 à Paris, du contrat de sponsoring de Khalifa Airways avec le club français de football l'Olympique de Marseille ". Le témoin a précisé avoir connu Djamel Guellimi, un des principaux accusés, en qualité de chef de cabinet du P-DG d'El Khalifa Bank et avoir rencontré Abdelhafidh Chachoua au moment où le groupe Khalifa l'avait approché pour le recruter. Revenant à Chachoua, la juge lui a demandé s'il avait des cartes de crédit. Elle voulait aussi avoir plus de précisions sur le montant exact de son salaire, sur ses deux villas, sur les marques de ses voitures et sur une carte d'accès au Club militaire familial de Zeralda trouvée en sa possession. A ce moment là son avocat, Farouk Ksentini, a réagit, disant à la juge que les détails de la vie privée de son client n'avaient pas de relation avec le procès. Ce que la juge a rejeté, affirmant que la loi lui donnait le droit d'interroger l'accusé sur tous les points mentionnés dans l'arrêt de renvoi. C'est ainsi que la juge a suspendu la séance de ce jeudi, qui devrait reprendre demain.