Depuis 2003, l'année du terrifiant séisme qui a frappé de nombreuses régions de l'est d'Alger, la ville de Boumerdès particulièrement touchée par la catastrophe est devenue une destination culturelle prisée. Il arrive à ce que des rendez-vous de haute facture programmées à la capitale soient reprogrammés à Boumerdès comme il arrive à ce que dans cette ville des rendez-vous artistiques très attrayants soient programmés exclusivement dans cette région.Ce soir, la direction de la Culture de cette wilaya a invité le très populaire Ait Menguellet pour un méga concert à la salle de conférence de l'ex-INH.Le chanteur kabyle dont le fils avait au début de l'année défrayé la chronique suite à l'assassinat d'une vieille dans un appartement de la banlieue française, semble ces dernières années de plus en plus porté par la scène algérienne. Il n' y a pas eu un ramadhan –et cela depuis les années 2000- sans que Ait Menguellet ne soit à l'affiche que ça soit à Alger, Béjaia Tizi-Ouzou ou même Tiaret. Il est vrai que le chanteur qui avait souvent des frictions avec son compère, le défunt Matoub Lounes n'est pas prolifique, mais ça ne l'empêche pas d'être l'un des auteurs compositeurs kabyles les plus appréciés et le plus respecté de la génération des années 70. Ayant débuté par des chansons sentimentales courtes, Lounis Ait Menguellet explore à présent de plus en plus le territoire sociopolitique dans lequel il donne un large répertoire. Son dernier album paraphé en 2005 en témoigne d'ailleurs.A peine âgé de dix huit ans, le jeune Lounis avait débuté sa carrière en 1968 avec une bande de copains qui créa le groupe, Imazighen. “ On était des débutants, on a beaucoup bourlingué, fait des galas, des fêtes un peu partout en Kabylie. Je me rappelle bien de ce gala qu'on avait fait à la salle des fêtes de Tassaft. Elle était archicomble, et j'en garde un très bon souvenir. C'était notre premier gala réussi, ça nous a vraiment galvanisés ”. Des pères blancs avaient mis à leur disposition une pièce pour que le groupe puisse répéter. Et au premier étage, Mouloud Mammeri dispensait des cours de langue amazighe ; Lounis apprendra l'alphabet tifinagh grâce à l'écrivain. Très timide, Ait Menguellet a été pris de force par son cousin à l'émission kabyle pour jeunes talents, “ Nouva Ihafadhen ”. Celle-ci était dirigée par le monstre sacré Cherif Kheddam, qui a découvert la pluspart des noms de la chanson kabyle à l'image de Nouara, Idir, Ferhat etc… Dans cette émission, le jeune Lounis chante sa première chanson, composée en 1966, à l'âge de seize ans, à la suite de sa première (et dernière, avouera-t-il plus tard) déception amoureuse, Ma trud ula d nek kter (Si tu pleures, moi je pleure encore plus). Celui qui avait l'habitude de chanter entre copains sous le clair de lune d'Ighil Bouammas, son village natal, devient, en quelques mois, une star locale. Sa carrière est lancée. Son cousin s'occupait du groupe, et jouait un peu le rôle de manager. “C'est lui qui m'avait vraiment poussé à y aller. Dans le temps, il était au groupe comme un manager, il nous débrouillait des galas, le transport. Il était très actif avec nous jusqu'en 1970. Puis, je suis rentré au village, les autres se sont dispersés, et le groupe a fini par disparaître. Mine de rien l'expérience a quand même duré près de trois ans ”. De retour chez lui à Ighil Bouammas, Lounis est recruté comme secréaire à laKasma de la région, et il se marie. Avec l'aide d'un de ses amis, Kamel Hamadi, il surmonte les obstacles imposés par la vie militaire pour continuer à enregistrer : “ Kamel m'avait, en fait, beaucoup aidé à foncer. ” Aujourd'hui le chanteur est devenu une véritable icône pour tous les kabyles, révoltés ou pas !