Un projet de gazoduc de 4 300 km dans le désert du Sahara, destiné à relier les réserves de gaz nigérianes, les septièmes plus importantes du monde, à l'Europe via l'Algérie, cristallise la bataille que se livrent Européens et Russes pour contrôler cette manne. La Russie a déjà coiffé au poteau l'Union européenne. Le gazier russe Gazprom a signé un accord avec le National Pètroleum Corporation (NNPC), qui gère le pétrole et le gaz nigérian, en vue de la création d'une joint-venture, indique Courrier International. L'Europe espère, grâce au Nigeria, mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de la Russie pour la fourniture de gaz. Depuis un demi-siècle, les sociétés occidentales affinent l'art délicat de faire pression sur les dirigeants nigérians pour avoir accès à l'une des plus riches zones d'exploration pétrolières de la planète. Rares sont les lieux où le résultat est aussi difficile à prévoir que le Nigeria, où les voyages répétés à l'étranger du président Umaru Yar'Adua pour se faire soigner provoquent une incertitude politique croissante. La bataille, aujourd'hui, tourne autour d'un projet de gazoduc de 4 300 km dans le désert du Sahara (le Trans Saharan Gas Pipeline), destiné à relier les réserves de gaz nigérianes, à l'Europe par la côte algérienne. L'UE s'est fixé pour priorité de trouver de nouvelles sources d'approvisionnement. La Russie assure déjà un quart des 300 milliards de mètres cubes de gaz que consomme l'Europe chaque année. Le gazoduc transsaharien, qui coûtera 15 milliards d'euros, pourrait fournir de 20 à 30 milliards de mètres cubes. Andris Piebalgs, le commissaire européen à l'Energie, s'est rendu à Abuja la semaine dernière pour offrir un soutien financier au projet mais il arrivait un peu en retard. Une semaine auparavant, Gazprom, le monopole russe, avait en effet signé un accord avec la National Pètroleum Corporation (NNPC), l'entreprise publique du Nigeria, en vue de monter une joint-venture pour la production et le transport de gaz. Cet accord couronnait une offensive de charme d'un an soutenue par Vladimir Poutine, le Premier ministre russe. M. Piebalgs a balayé les craintes de voir la Russie acquérir une position dominante au Nigeria mais a reconnu que les responsables nigérians avaient l'impression que les Européens avaient tardé à soutenir le projet de gazoduc transsaharien. L'UE trouvera peut-être une consolation en songeant que les responsables nigérians sont partagés sur le point de savoir s'ils doivent préférer Gazprom aux sociétés établies de longue date comme Royal Dutch Shell et Total. Gazprom a toutefois augmenté son attrait en proposant d'investir lourdement dans les systèmes de collecte de gaz nécessaires à la réalisation des ambitions de M. Yar'Adua, qui souhaite exploiter les réserves de gaz du pays pour trouver une solution à la crise énergétique chronique du Nigeria et accélérer sa croissance économique. Les responsables nigérians soulignent qu'ils ne souhaitent pas avoir qui que ce soit obtenir le monopole de leurs réserves. " Le gros de notre production de gaz et de pétrole se fait avec l'aide de nos partenaires européens et américains ", explique un conseiller du gouvernement pour les questions énergétiques. " Nous n'allons pas les laisser tomber uniquement parce que les Russes, les Chinois ou les Coréens nous promettent des investissements massifs ". Devant la lenteur que met le Nigeria à développer son industrie gazière, on peut supposer qu'un projet pharaonique comme le gazoduc transsaharien risque d'être confronté à des obstacles. Le gazoduc construit récemment en Afrique de l'Ouest n'a toujours pas commencé à fonctionner. Les compagnies pétrolières brûlent pratiquement autant de gaz qu'elles exportent de gaz naturel liquéfié.