Selon une analyse socio-technique d'un dispositif de gestion du risque acridien effectuée par " Cahiers d'études et de recherches francophones / Agricultures ", un cabinet multinational spécialisé , les invasions de criquets pèlerins sont des phénomènes incertains, dynamiques et complexes auxquels des acteurs variés s'attachent à faire face. Cette analyse rend compte d'un travail de terrain réalisé en Mauritanie. Elle tente de décrire et de comprendre les défaillances du dispositif de lutte préventive qui ont conduit à cette dernière invasion. Le travail de cette équipe de chercheurs de compréhension de la mise en gestion passe ici par une lecture diachronique basée sur l'analyse des documents qui forment la traçabilité d'un tel processus. Il faut dire que cette analyse permet de formuler quelques pistes de réflexion sur les défaillances du dispositif de prévention contre les invasions de criquets pèlerins et sur les propositions que cela invite à formuler pour y faire face.Ainsi, le comité de la lutte antiacridienne CNLA s'est trouvé au cœur d'un processus de gestion dont il a été le dispositif clé. Ce dispositif se caractérise par deux régimes de coordination et de pilotage des ressources : d'une part, la veille acridienne permanente et attentive qui suppose le maintien d'une capacité à détecter et à communiquer sur les signes de grégarisation pour déclencher des actions de lutte préventive ; d'autre part, la localisation et le pilotage des actions de lutte sur le terrain au sein des mécanismes de coordination complexes qui se nouent entre le financement de l'expertise et le financement des politiques de lutte. Le suivi de ce type de dispositif est de fait un bon traceur des problèmes de gouvernance qui semblent être encore dépendants des ressources extérieures rendant opératoires les ressources humaines et logistiques déjà présentes. On voit donc que les dysfonctionnements du système international de prévention contre les invasions de criquets pèlerins qui ont conduit à l'invasion de 2003-2005 sont à appréhender essentiellement du point de vue des modes d'implication de l'assistance internationale. On a en fait un dispositif de gestion préventive des risques liés au criquet pèlerin qui repose sur un système national de veille, ainsi que sur des mécanismes d'assistance bilatérale et régionale atténuant dans une certaine mesure les défaillances d'une implication internationale qui, en recherchant une rationalisation de la dépense sur la base de crises déclarées, crée en fait une sous-mobilisation des moyens logistiques et humains, toujours selon la même étude. Au même moment, les travaux de recherche des entomologistes, des écologues et des géographes tendent à montrer la nécessité de mieux appréhender la singularité des mécanismes de grégarisation et de migration qui caractérisent la dynamique complexe des populations de l'insecte. Grâce à ces efforts - et si les moyens sont disponibles et suffisants au niveau des pays - il est maintenant possible de surveiller le désert afin de décrypter les signes de recrudescence potentielle et de réagir à temps pour enrayer la dynamique de grégarisation sans attendre le déclenchement d'une " situation de crise ".C'est ici que l'étude fait état d'un paradoxe dans la gouvernance actuelle. Comme cela a été constaté pour la dernière invasion de 2003-2005, l'alerte avait été donnée à temps par les acridologues. Un certain nombre de questions et d'incompréhensions font suite à la dernière invasion de 2003-2005 qui remettent en doute l'efficacité de la stratégie de lutte préventive.Aucune de ces questions et incompréhensions ne concerne (ou fort peu) la dynamique des populations de criquet pèlerin en tant que telle ou la qualité du travail des équipes de terrain ; toutes concernent les capacités logistiques et de maîtrise d'ouvrage des acteurs et des institutions qui prennent en charge et coordonnent la gestion des risques liés au criquet pèlerin. Ainsi, après avoir su prendre au sérieux les spécificités écologiques complexes de l'insecte, il est urgent de prendre maintenant au sérieux la complexité des modes de structuration organisationnelle et de gouvernance des systèmes d'acteurs multiniveaux qui sont structurants et constitutifs de la mise en dispositif et donc de l'efficacité de la gestion des risques liés au criquet pèlerin, conclue l'analyse.