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De la crise financière à la récession mondiale
L'heure est a la mobilisation
Publié dans Le Maghreb le 15 - 11 - 2008

C'est le branle-bas de combat. Aux quatre coins du globe, le spectre de la crise nourrit les débats et échaude les esprits. Alors que l'année en cours s'achève sur une récession pandémique, 2009 n'offre pas de perspectives susceptibles de rassurer. En Europe, la croissance a du plomb dans l'aile. Du point de vue technique, la récession se définit comme deux trimestres consécutifs de contraction du PIB. Dans la zone euro dans son ensemble et pour des pays tels que l'Allemagne, l'Irlande et l'Italie, c'est une réalité et on ne peut plus se voiler la face. L'OCDE s'est montrée, jeudi, très pessimiste, annonçant une récession dans sa zone de l'ordre de 0,3% en 2009, avec une forte montée du chômage et une baisse des prix de l'immobilier en Europe. Par contre, les pays de l'Europe centrale ou orientale ne sont, le plus souvent, confrontés qu'à un ralentissement plus ou moins marqué. Un rapport de l'OCDE, publié jeudi, estime que l'économie mondiale va encore faire face à une période prolongée de turbulences financières, jusqu'à la fin 2009, avec une normalisation graduelle ensuite. Pour les Etats-Unis, le PIB devrait augmenter de +1,4% en 2008 puis décroître de -0,9% en 2009 avant de reprendre à +1,6% en 2010. Pour le Japon, ces mêmes chiffres devraient être respectivement de +0,5%, -0,1% et +0,6% et pour la zone euro de +1,1%, -0,5% et +1,2%.
Mobilisation : oui mais à quelle fin ?
On comprend vite que cette fois-ci la crise est bien là et qu'elle dépassé les places financières pour s'inviter dans la sphère de l'économie réelle. Pour faire face à la crise, un seul mot d'ordre : la mobilisation. C'est dans ce sens que les grands pays industrialisés et émergents du G20 se sont réunis hier pour deux jours, et dans l'urgence, à Washington pour tenter d'apporter une réponse commune à la pire débâcle financière depuis 1929. Au-delà des déclarations de bonnes intentions, cette réunion ne devrait pas déboucher sur des actions concrètes. Ne perdons pas de vue que du côté de Washington, l'administration en place est en fin de mandat, réduisant ainsi son champ d'action et encourageant de fait son immobilisme. Cela sans oublier le fait que l'administration Bush tient mordicus à la survie du système en place. Il est vrai que les Etats-Unis veulent désormais que le sommet du G20 adopte "un plan d'action" pour une réforme du système financier international. Mais, rejetant tout interventionnisme exagéré des Etats, ils restent opposés à l'instauration d'une autorité régulatrice mondiale et refusent de porter seuls la responsabilité de la crise. De leur côté, les Européens admettent que la réunion de Washington ne débouchera pas sur un nouveau "Bretton Woods", du nom des accords ayant donné naissance en 1944 à l'architecture financière actuelle, comme certains le souhaitaient, notamment les Français. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a averti vendredi qu'il ne fallait pas attendre "dans l'immédiat un miracle" de ce sommet, mais plutôt le "début d'un processus". Il a néanmoins espéré des "décisions concrètes", rappelant que les pays européens préconiseront une régulation accrue et un rôle plus important pour le Fonds monétaire international (FMI). De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a estimé que le sommet donnerait lieu à des "entretiens difficiles", mais qu'il faudrait coûte que coûte entamer les réformes dans les prochains mois. Néanmoins et selon le Washington Post, les dirigeants de 20 grands pays industrialisés et émergents devraient décider de la création d'une structure pour superviser les 30 plus grandes banques du monde. Le nouvel organisme, appelé "collège des superviseurs", rassemblerait "les régulateurs internationaux pour coordonner la surveillance des 30 plus grandes institutions financières mondiales", affirme vendredi le journal. Cet organisme serait conçu "pour ajouter un niveau supplémentaire de surveillance au contrôle des banques et pour repérer toute prise de risque excessive", comme celles qui ont alimenté la crise actuelle, mais cela reste au stade des spéculations et le G20 à lui seul ne suffit pas.
Et l'Afrique dans tout ça ?
La crise ne concerne pas uniquement le monde industrialisé, elle est susceptible d'impacter de manière plus violente les économies africaines, surtout si l'on sait que celles-ci sont mono-exportatrices et fortement dépendantes des fluctuations des marchés de matières premières. Prenant les devants, la Banque africaine de développement (BAD) a organisé mercredi et jeudi une "Conférence ministérielle sur la crise financière", parsemée de tables rondes interministérielles à huis clos, de sessions plénières centrées sur les tenants et les aboutissants du nouvel ordre financier international en gestation dans les chancelleries du nord. On tout état de cause et au-delà de toute la bonne volonté ayant présidé à l'initiative, les conclusions n'étonneront pas grand monde. Cette réunion n'a été qu'une occasion de plus pour réitérer l'appel à la coopération mondiale pour faire face à la crise et plaider encore plus fort pour une participation plus accrue de l'Afrique pour mieux faire entendre sa voix. C'est ainsi que le président du groupe de la BAD, Donald Kaberuka, a estimé à l'occasion que l'Afrique, jusque-là épargnée des premiers effets de la crise, risque de ne pas échapper aux répercussions d'une récession économique mondiale qui se profile déjà, et de "mettre à mal la dynamique de croissance enregistrée au cours des dernières années". Et d'ajouter que "le PIB de la région a progressé à un taux moyen de 5% entre 2003 et 2007 ce qui a permis la relance de l'investissement et l'attrait d'un large éventail de financements". Pour sa part, Abdoulie Janneh, secrétaire exécutif de la commission des Nations unies pour l'économie africaine (Uneca), a appelé à "une réponse africaine cohérente" à la crise et au risque d'un ralentissement de l'économie mondiale et son impact sur les économies du continent africain. Un impact qui, relève-t-il, se traduit déjà par une baisse du taux de croissance, mais aussi par une chute des cours des matières premières, et donc des recettes et ressources, et, de là, un frein aux investissements dans une Afrique qui consent d'énormes efforts pour réaliser les Objectifs de développement du Millénaire (OMD). "100 millions de personnes risquent de tomber dans la pauvreté à cause de la hausse des cours de denrées alimentaires, mettant en péril 7 années d'efforts dans le cadre de la lutte contre la pauvreté", a fait remarquer, à titre d'illustration, M. Janneh avant de mettre en garde contre d'autres répercussions d'une éventuelle récession économique mondiale sur la baisse de la demande sur les matières premières (ressources principales), une baisse des activités de service (tourisme), une chute des revenus, une baisse de la capacité d'investissement, une résurgence du chômage, et l'incapacité à faire face à la dette extérieure et à réaliser les OMD.
Le développement devra encore attendre
Dans un communiqué sanctionnant ses travaux, la réunion note notamment que cette crise constitue "un énorme coup dur" pour les économies africaines, en compromettant les progrès appréciables enregistrés sur le continent ces huit dernières années, jusqu'à devenir "préoccupante" par le fait de son impact sur la réduction des chances d'atteindre les objectifs de développement du millénaire (OMD). Les perspectives de croissance de l'Afrique "devront être revues à la baisse", notent-ils en convenant, face à une "volatilité persistante" des marchés financiers, de continuer à approfondir les réformes économiques, "forts, estiment-ils, de la conviction que ces réformes ont été bénéfiques aux pays africains, et se sont soldées par une solide stabilité macroéconomique et ont favorisé la croissance et la résistance aux chocs extérieurs". Ils réaffirment l'importance de la diversification des économies africaines aux exportations dominées par les produits de base et les industries extractives dont la demande et les prix sont déjà réduits par la perte de confiance des consommateurs des principales économies. Tout en situant le programme de financement 2008-2012 de la Banque africaine de développement (BAD) autour de "quatre thèmes opérationnels prioritaires (infrastructure, gouvernance, secteur privé et éducation supérieure, technique et professionnelle)", la réunion ministérielle préconise "la reprise du cycle de Doha pour stimuler l'économie mondiale", accroître les opportunités offertes aux pauvres, et "met en garde contre les tentations protectionnistes". Elle demande, par ailleurs, qu'"en dépit des défis posés par la crise financière, les engagements pris aux sommets du G8 et de l'UE soient tenus et la même attention accordée à l'amélioration de la qualité de l'aide, conformément aux principes convenus dans la déclaration de Paris et l'Appel à l'action d'Accra". Un appel est lancé aussi à la prochaine conférence sur le financement du développement, prévu à Doha du 28 novembre au 2 décembre 2008, pour un engagement de la communauté internationale en faveur du développement. Aussi, les participants se sont accordés à constituer un comité de ministres et de gouverneurs afin de préparer des propositions sur tous les aspects concernant la voix et la représentation de l'Afrique au sein de l'architecture financière internationale.
Un comité auquel il a été demandé à la BAD, l'UA et la CEA de fournir l'appui technique nécessaire.


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