Si certains indicateurs montrent depuis quelques mois un ralentissement notable de la récession, la reprise économique n'est pas encore à l'ordre du jour. Et les prévisions des économistes et des spécialistes en la matière sont loin d'être unanimes sur ce sujet. Ainsi, la question de savoir le moment où l'économie mondiale sortira de la crise taraude toujours les esprits. Le monde fait face actuellement à une dichotomie d'analyses, laissant ainsi le doute et les incertitudes perdurer. Les plus optimistes des prévisions quant à la sortie toute prochaine de la crise sont fondées sur l'évolution du commerce mondial, en chute libre depuis le début de la crise. «Le pire de la crise financière semble passé pour l'Europe centrale», ont estimé la semaine dernière des analystes, alors que les Bourses de la zone effacent les pertes subies depuis octobre 2008. «On peut parler, au conditionnel, d'une fin de la crise dans la région. Les tendances économiques se sont stabilisées et on peut être optimiste pour la fin de l'année et les douze prochains mois», estime Aaron Alber, analyste marchés à la banque autrichienne Raiffeisen, numéro trois en Europe centrale et orientale. Pour d'autres, le fait de voir le Japon «sortir la tête de l'eau», après la France et l'Allemagne, c'est un signe qui ne trompe pas sur la sortie imminente de la crise. A l'origine de cette reprise, des exportations boostées dans ces trois pays. En effet, la deuxième puissance économique mondiale, le Japon, a annoncé sortir de la récession car ses exportations sont en hausse au second trimestre 2009. Comment, d'ailleurs, expliquer cette reprise des exportations ? Les spécialistes en la matière ont fait savoir que cela est dû au plan de relance mis en œuvre par le gouvernement. Comme le Japon, l'Allemagne, qui a une industrie puissante et une économie basée sur les exportations, profite de l'embellie actuelle. Et l'Allemagne se tourne vers l'Est pour profiter du «bonus» accordé par le gouvernement chinois à ses compatriotes pour acheter des voitures neuves. Conséquence, les constructeurs allemands se frottent les mains. Et dans leur course aux indicateurs, signes d'une lente relance en cours, les économistes ont fait savoir qu'au sein de la zone euro l'excédent commercial s'est amélioré en juin mais c'est surtout parce que les importations ont diminué alors que les exportations sont restées stables. Du côté des Etats-Unis, l'exemple est encore plus frappant : les Américains ont modifié leur mode de vie à cause de la crise. Les économistes expliquent que la crise a changé le visage du commerce extérieur des Etats-Unis. Importations en baisse : moins 49% pour les importations de véhicules, moins 14% pour les biens de consommation. Les exemples cités ci-dessus sont le fruit en général des vastes programmes mis en place dans la plupart des pays et qui combinent soutien à la sphère financière, aux industries sinistrées, à l'investissement public et à la consommation des ménages. La Banque centrale américaine a en effet revu ses prévisions de croissance légèrement à la hausse : elle estime que le repli de l'activité devrait être compris entre 1 et 1,5% pour l'ensemble de l'année 2009, un chiffre plus optimiste que celui qu'elle avançait il y a à peine trois mois, lorsqu'elle prévoyait une chute du PIB de près de 2%. Par ailleurs, les pays émergents, dopés par une forte demande intérieure, continuent à tirer la croissance vers le haut au niveau mondial : le taux de croissance de l'Inde ne devrait pas tomber au-dessous des 6% en 2009, la Chine devrait, quant à elle, dépasser les 8% cette année. La reprise dans quatre ans, selon Stiglitz Ceux qui parlent déjà de reprise économique se trompent lourdement, si l'on en croit Joseph Stiglitz. Le prix Nobel 2001 d'économie juge que le monde sera «tout juste» remis de la crise dans «quatre ans» et que la timide amélioration de la conjoncture n'est qu'une «illusion». «Dans quatre ans, on se sera tout juste remis [de la crise économique, ndlr]. Mais on restera sous le niveau qu'on aurait atteint si on avait poursuivi une voie stable plutôt que la voie de la spéculation», a déclaré l'ancienne bête noire de la Banque mondiale. Dans un entretien accordé au magazine français Challenges, paru jeudi dernier, la même source a indiqué que «l'économie mondiale reste fondamentalement faible», ajoutant que «la brutale résorption des stocks des entreprises provoquée par la crise s'atténue, ce qui donne l'illusion d'une amélioration de la conjoncture, mais la crise n'est pas finie». «En fait, nous revenons à une récession normale», poursuit l'ancien conseiller économique de Bill Clinton. Plus incisif, il dira que l'idée que le retour de la croissance dans certains pays (Japon, France, Allemagne, etc.) signerait la fin de la récession, est totalement faux. «C'est faux. Pour la plupart des gens, il y a récession quand le taux de chômage est élevé et qu'il est difficile de trouver un emploi. Pour les entreprises, il y a récession tant qu'elles ont des capacités excédentaires», explique-t-il. Et la situation actuelle semble lui donner raison, d'autant que le chômage fait encore parler de lui en tant que dommage collatéral très lourd. Les destructions de postes restent massives dans les économies développées. Selon l'Insee, la France connaîtra en 2009 la plus forte contraction de son activité depuis l'après-guerre (- 3%), même si cette baisse devrait s'atténuer en fin d'année. La situation dans le reste de l'Europe n'est guère meilleure. Quant aux Etats-Unis, plusieurs centaines de milliers d'emplois y disparaissent chaque mois. Mais là aussi, le rythme ralentit depuis quelques mois : 300 000 postes ont été supprimés en juillet contre 600 000 en janvier. Le marché de l'emploi se trouvant toujours en décalage avec le reste de l'activité économique, seule une reprise durable, et non un rebond de quelques mois, peut permettre de dynamiser le rythme des embauches. S. B.