L'effondrement des prix du pétrole risque d'avoir un effet dévastateur sur les futurs projets des compagnies pétrolières nationales (et internationales), même à 55 dollars le baril, a prévenu récemment le patron de la China National Offshore Oil Corporation (Cnooc), M. Fu Chengyu. Les compagnies vont devoir sabrer 60 % des investissements qu'elles avaient programmés pour 2009-2010. Le prix le plus bas pour rendre des projets rentables, comme l'extraction de brut en eau très profonde, est de 60 dollars et monte parfois jusqu'à 90 dollars. Les pétroliers, qui ont calculé leurs cash-flows sur la base d'un baril à 70, 80, voire 100 dollars, vont être à court de liquidités pour mener à bien ces projets, a indiqué M. Fu. Le raffinage va aussi pâtir de la crise. Plus de 80 % des 160 projets annoncés depuis 2005 risquent d'être annulés en raison de la baisse des marges, vient de calculer le consultant Wood Mackenzie. Pour l'Algérie, le scénario est le même. Les investissements dans le secteur des hydrocarbures pourraient baisser à cause de la baisse des prix de l'or noir. Selon le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, la crise financière aura un impact négatif sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures, y compris en Algérie, dans les deux ou trois prochaines années. Avec le ralentissement de la croissance économique mondiale qui se situera autour de 3% en 2009, cette baisse des investissements dans le secteur des hydrocarbures est engendrée par la difficulté de mobiliser des crédits bancaires. "Les compagnies pétrolières développent leurs gisements en faisant appel aux banques", expliquera le ministre. D'ailleurs, pour les projets lourds, des entreprises étrangères ont déjà annoncé des retards dans la réalisation. Les compagnies russes ont déjà affiché des difficultés pour le financement des projets, ce qui se répercutera sur le développement des gisements. Pour les pays membres de l'Opep, l'incertitude de mobiliser des financements engendrera des retards dans la mise en application du programme de développement des gisements. Cette situation a poussé, par exemple, le directeur général du géant pétrolier français Total, Christophe de Margerie, à presser l'Opep de réagir, estimant que l'Organisation "ne peut pas ne pas réagir" à la chute "beaucoup trop rapide" des prix du brut. "Les grands projets qui feront la confiance de demain ne passent pas avec un baril en dessous de 80-90 dollars" et "beaucoup de sociétés ne pourront plus investir" a -t-il souligné. "A 50 dollars le baril, un grand nombre de pays producteurs ne vont plus avoir suffisamment de revenus pour couvrir leurs dépenses. On vit dans un environnement de coûts élevés pour la production et l'exploration, qui fait qu'il faut un certain prix pour un environnement (pétrolier) rentable, alors qu'à l'inverse la baisse des prix est aujourd'hui beaucoup trop rapide". L'inquiétude de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) fait écho à celle des milieux pétroliers. Avocat des pays industrialisés, elle prône des prix modérés qui ne pénalisent pas l'activité économique. "Mais des prix très bas compromettent la réalisation des investissements, notamment dans les pétroles dits "difficiles"", prévient Fatih Birol, chef économiste de l'AIE. En 2007, l'investissement dans l'exploration-production (pétrole-gaz) a atteint 390 milliards de dollars (311 milliards d'euros). Un record certes, "mais moins que les 450 milliards de dollars annuels nécessaires dans les dix prochaines années", a nuancé M. Birol.