Le dinar aurait-il été récemment dévalué ? L'expert Abderrahmane Mebtoul en semble convaincu. Celui-ci indique, dans une analyse transmise hier à notre rédaction, que le dollar qui était coté officiellement à environ 60/63 dinars est passé, depuis le 15 décembre 2008, à 70/73 dinars et l'euro qui était coté à 80 dinars est passé au-dessus de la barre de 100 dinars. Il rejoint ainsi certaines informations ayant filtré à la fin du mois de décembre, affirmant que sur la base de données monétaires de la Banque d'Algérie, le dinar algérien a perdu plus de 20% par rapport au dollar et 25% comparé à l'euro. Situation assez paradoxale lorsqu'on songe aux perturbations qui ont marqué récemment le marché mondial des devises. Selon l'expert, cet état de fait pourrait être expliqué par une tentative de la Banque d'Algérie de manipuler le taux de change pour éviter l'accroissement des importations. Selon Abderrahmane Mebtoul, le contexte de crise économique mondiale et le phénomène actuel de déflation devrait entraîner une baisse des prix tant des équipements, des consommations intermédiaires. Et d'ajouter que la baisse des prix au niveau mondial a été d'environ 20/25%. Cela va forcément se répercuter sur l'Algérie, notamment avec la baisse des prix des intrants de production ou même plus avec la dégringolade des prix des biens à l'import. Rappelons, dans ce contexte, que le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, M. Abdelhamid Temmar a prévenu récemment contre une hypothétique hausse des importations, actuellement estimées à près de 40 milliards de dollars, en Algérie induite par le contexte de crise, les surstocks constitués en Europe et de facto une baisse des prix des produits destinés à la consommation. Néanmoins, Mebtoul estime que cette situation ne peut pas forcément avoir un impact positif sur l'économie nationale. Il estime que même si on stabilise nos importations en terme de valeur, la situation risque d'induire une diminution de ces mêmes importations en volume physique. Et étant donné que la production nationale reste faible, il dit craindre l'arrêt de certains chantiers programmés. Poussant l'analyse plus loin, l'expert estime que même si cette dévaluation peut s'expliquer pour l'euro, il y a un paradoxe pour le dollar qui connaît une chute par rapport à l'euro. Il pense qu'une telle situation accroît artificiellement les recettes de Sonatrach via la reconversion du dollar en dinars. Aussi, indique-t-il, puisque la fiscalité pétrolière est reconvertie sur le marché intérieur en dinar, elle diminue ainsi artificiellement le déficit budgétaire. M. Mebtoul avance une autre explication, estimant que le dinar algérien est corrélativement fixé en grande partie par le cours du pétrole lui-même lié au dollar. Ce qui pourrait expliquer cette dévaluation. Néanmoins, ajoute-t-il, les cours du pétrole ont remonté depuis le début du mois de janvier 2009 de quelques dollars non pas dus à l'initiative de l'Opep, mais aux tensions géo- politiques. Et à l'expert de s'interroger : quel pourrait être l'impact de cette dévaluation sur les exportations hors hydrocarbures ? Il estimera, dans ce sens, que "si dans une économie de marché concurrentielle structurée,la dévaluation doit en principe dynamiser les exportations,force est de reconnaître qu'en Algérie, qui souffre de blocage structurel et où les exportations hors hydrocarbures représentent à peine 2% du total des recettes, la dévaluation n'a pas les mêmes impacts que dans les pays développés, où la politique keynésienne de relance de la demande globale (consommation plus investissement) à travers des déficits budgétaires ciblés peut relancer la croissance et les exportations". Aussi, estime-t-il, cette dévaluation risque de toucher les salaires dont la valeur en dollar et en euro risque de baisser. Et "rien ne dit que des bas coûts salariaux par rapport au marché mondial attireront l'investissement si les contraintes d'environnement ne sont pas levées". Il est utile de rappeler enfin que le Fonds monétaire international (FMI) a indiqué, en septembre dernier, à l'issue des consultations menées avec l'Algérie au titre de l'article IV, que le taux de change effectif réel du dinar algérien est ''proche de son niveau d'équilibre''. Isma B.