La libéralisation du commerce en agriculture n'empêchera pas une autre crise alimentaire, affirme le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, après une mission auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une première. Le chemin suivi en agriculture à l'OMC est incompatible avec le droit de l'homme à une alimentation adéquate, dit-il, prenant le contrepied de ténors de la libéralisation comme le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy. Le commerce doit agir en faveur du droit à l'alimentation, avance M. De Schutter dans son rapport présenté au Conseil des Droits de l'homme, à Genève, le 9 mars 2009. En conséquence l'OMC doit " reconnaître la spécificité des produits agricoles au lieu de les traiter comme une marchandise comme une autre ". De plus, les pays en développement doivent être capables de protéger leurs agriculteurs de la concurrence venant des pays industrialisés. L'élimination des mesures qui causent des distorsions et qui avantagent les pays développés ne suffira pas, estime le rapporteur spécial, car la productivité en agriculture demeurera beaucoup plus basse dans les pays en développement. " Dans un tel contexte, l'idée d'établir un marché des matières premières agricoles sans distorsions est dénuée de sens ", conclut-il. Rappelons dans ce contexte que des observateurs imputent les raisons de la crise alimentaire à trois éléments fondamentaux. Il s'agit en premier lieu de la dérégulation et la mise en concurrence des agricultures du monde entier aux travers des règles du commerce mondiale et les accords bilatéraux et bi régionaux. Cette politique limite chaque jour les possibilités des pays de protéger leurs agricultures. En second lieu cela concerne, l'abandon de vrais politiques agricoles qui maintiennent des prix agricoles rémunérateurs et stables pour les producteurs. Ces politiques gèrent l'offre et organisent les quantités produites, importées et maintiennent de stocks suffisants. Elles sont indispensables.Enfin, le troisième élément est l'absence de soutiens financiers assumés à une politique agricole qui est orientée vers une agriculture familiale, paysanne durable, celle qui maintient l'emploi rural. Ces mêmes observateurs recommandent de sortir d'un modèle productiviste, basé sur la monoculture, les engrais et d'autres intrants issus du pétrole. Mais d'autres problèmes sont mis en avant comme l'accaparement des terres fertiles des pays pauvres par des fonds d'investissement. Notons enfin que le Fonds de l'ONU pour l'Agriculture et le développement (Fida), basé à Rome, a estimé que l'offre à long terme est incapable de satisfaire la demande. Cette demande doit s'accroître de 50% d'ici 2030 et doubler d'ici 2050. Aussi, une production agricole plus importante est essentielle, mais cela reste un vœu limité parce que les terres agricoles sont limitées et tout gain futur de production agricole ne peut donc venir que d'un gain de productivité. Selon le Fida, cela exige plus d'attention politique et un investissement beaucoup plus élevé dans toute la filière agricole. Il a estimé que les petits exploitants devaient être mobilisés dans les plans d'augmentation de l'offre alimentaire, rappelant que près de 500 millions de petites exploitations représentaient plus de deux milliards de personnes. Dalila T.