Le gouvernement pakistanais s'efforce d'apaiser l'opposition et les avocats à l'origine de la "longue marche" vers Islamabad, alors que les forces de l'ordre multiplient les arrestations. Cette marche en faveur de l'indépendance du pouvoir judiciaire, entreprise jeudi avec le soutien de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, farouche adversaire du président Asif Ali Zardari, pourrait accroître l'instabilité du Pakistan, déjà en proie à une guérilla islamiste de plus en plus active et à la crise économique. Sur les conseils de son Premier ministre Yousaf Raza Gilani, le chef de l'Etat, aux affaires depuis un an, serait prêt à lâcher du lest, dit-on dans son entourage. Il envisagerait notamment d'autoriser l'assemblée régionale du Pendjab à désigner le chef de l'administration locale, poste vacant depuis l'annulation, le mois dernier, de l'élection de Sharif. Cette mesure, assortie d'une reprise en main de la province par le pouvoir central, a joué un rôle déterminant dans l'aggravation de la crise politique. La principale revendication de l'opposition reste toutefois la réintégration du président de la Cour suprême, Iftikhar Shaudhry, limogé en 2007 par Pervez Musharraf, prédécesseur de Zardari à la présidence. L'actuel président s'y est jusqu'ici opposé, craignant - disent les observateurs - que le magistrat ne revienne sur l'amnistie dont il a bénéficiée, tout comme son épouse Benazir Bhutto, assassinée en décembre 2007 alors qu'elle menait campagne pour les élections législatives. Dans le cadre du compromis proposé par le chef du gouvernement, le président Zardari aurait toutefois accepté de créer une Cour d'appel et un Conseil constitutionnel et de confier les rênes de l'une des deux institutions à Shaudhry, selon l'un de ses conseillers ayant requis l'anonymat. "Il doit être réintégré; l'indépendance de l'appareil judiciaire doit être restaurée", a exigé Sharif sur l'antenne de Geo News, écartant toute idée de compromis. Moins catégorique, un responsable politique proche des négociations a indiqué que les deux jours qui viennent seraient déterminants. "Ça passe ou ça casse", a-t-il déclaré. Parallèlement, les forces de l'ordre ont procédé à 800 arrestations dans les rangs de l'opposition au Pendjab. Des dizaines d'interpellations ont en outre eu lieu à Peshawar, principale agglomération du Nord-Ouest, pour éviter des débordements en marge de la manifestation des avocats. En cas de troubles, l'armée, qui a gouverné le pays pendant près de 30 ans, pourrait se faire un devoir d'intervenir, bien que la plupart des observateurs écartent pour le moment l'hypothèse d'un coup d'Etat militaire.