Cette année 2009 est une annus horribilis. Jour après jour, la banque mondiale, l'OCDE, le FMI, l'Insee noircissent leurs prévisions et aboutissent au même constat : pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, la récession va frapper le monde entier. La crise est beaucoup plus profonde qu'on ne le disait, retardant d'autant le moment de la reprise. "La croissance de l'économie mondiale devrait être négative en 2009", a déclaré vendredi 20 mars à Pékin Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE, en actant le fait que les croissances positives de l'Inde et de la Chine ne permettraient pas de compenser la récession des pays industrialisés. Il y a une semaine, le président de la banque mondiale, Robert Zoellick, avait fait le même constat. Dans une note remise samedi 14 mars aux ministres des finances et aux gouverneurs des banques centrales réunis pour préparer le G20, le FMI a également pris acte de l'effondrement qui frappe les économies : le monde, indique-t-il, est en train de passer d'une croissance de 3,2 % en 2008 à une récession comprise entre 0,5 et 1 % en 2009. Encore s'agit-il de prévisions intermédiaires, qui pourraient être revues à la baisse lors de la publication des prévisions détaillées de printemps, le 22 avril. La dégradation de la conjoncture est telle que partout, les instituts de conjoncture sont pris à revers et contraints à des réajustements de grande ampleur. En France, l'Insee a annoncé, vendredi 20 mars, un acquis de croissance négatif de - 2,9 % à la fin du premier semestre, alors qu'elle tablait jusqu'à présent sur - 1,1 %. Dans ces conditions, l'ampleur de la récession sur l'ensemble de l'année 2009 risque d'être beaucoup plus importante que les - 1,5 % prévus par le gouvernement. Les déficits publics risquent d'atteindre non pas 5,5 %, mais 6 % du PIB, et les destructions d'emplois vont s'accélérer. L'Insee en prévoit 330 000 au premier semestre contre 90 000 sur l'ensemble de l'année 2008. Le chômage devient la préoccupation numéro un. Au Japon et en Corée, les gouvernements privilégient le partage du travail. En Suède, IF Metall, l'un des principaux syndicats, accepte désormais des baisses de salaire pour tenter de sauver l'emploi, s'attirant l'ire des autres organisations. Partout, la cohésion sociale est menacée. La France se distingue des autres pays par l'organisation régulière de journées de protestation. Celle du 19 mars a été un succès pour les huit centrales syndicales qui l'organisaient au nom de la défense de l'emploi et du pouvoir d'achat. Mais contrairement à ce qu'il avait fait au lendemain de la journée d'action du 29 janvier, le gouvernement a décidé de rester sourd aux revendications. "J'écoute l'inquiétude mais il faut attendre les effets du plan de relance", a plaidé jeudi 19 mars François Fillon sur TF1. Le premier ministre a invoqué le niveau élevé des déficits publics, qui interdit selon lui tout nouveau geste. Une thèse vigoureusement combattue par le PS.Dans un entretien au Monde, l'ancien ministre de l'économie Michel Sapin juge urgent de soutenir la demande intérieure et préconise "des mesures fortes et à effet immédiat de soutien au pouvoir d'achat". Le débat touche aussi l'Europe. A trois mois des élections européennes, Poul Nyrup Rasmussen, le président du Parti socialiste européen, reproche à "Merkel, Sarkozy, Junker, de refuser de faire davantage pour contrer la récession". Le FMI souligne lui aussi l'insuffisance des plans de relance et fustige la lenteur des gouvernements à régler les problèmes du secteur financier, y voyant l'une des raisons de l'aggravation de la récession. Dans ce contexte ravagé, la seule nouvelle positive est la faiblesse de l'inflation qui permet de soutenir le pouvoir d'achat. Mais les liquidités injectées dans l'économie américaine par la FED pourraient bien changer la donne.