Le Colloque international, organisé, hier, à l'hôtel El Aurassi, sur les conséquences des essais nucléaires dans le monde, celui dans le Sahara algérien étant un cas des plus éloquents, a rassemblé grand nombre de participants, nationaux et étrangers, parmi lesquels des chercheurs dans divers domaines, des représentants d'ONG, d'associations de victimes et même des victimes ayant été témoins oculaires de ces hideuses opérations de destruction massive. L'objectif de cette importante rencontre est d'engager une large campagne de sensibilisation et d'inviter à une réflexion approfondie, à l'issue de laquelle, les participants sortiront, sans doute, avec une image nette de l'ampleur des dégâts humains et environnementaux occasionnés par les 17 "officiels" essais nucléaires de la France dans le désert algérien, pendant et après la guerre de la Libération. Ceci est l'un des éléments fondateurs de ce passé complexe, entre l'Algérie et la France, mais qui, en plus, a des retombées directes sur la nature des rapports actuels, toujours calqués sur le souvenir douloureux de ce passé continuellement présent. Une des séquelles de la présence coloniale, une preuve surtout qu'il y eut négligence grave, surtout contre la sécurité et la santé du personnel et les populations voisines. Pis encore, l'opération du démantèlement de ces sites n'a pas été correctement effectuée, ce qui génère des risques permanents. En dépit de l'engagement des deux pays, l'Algérie et la France, à prendre en main ce dossier, enfin, et le semblant terrain d'entente retrouvé, l'incompréhension persiste toujours. Les questions de diverses natures, celles, primordiales de la reconnaissance par la force coloniale de ces pratiques et ses effets comme crime contre l'humanité, puis, celles relatives à la publication des comptes rendus et tous types de témoignages, de contemporains ou datant de l'époque, et la permission de l'accès aux archives, ensuite, la levée du caractère du secret militaire sur ces derniers, le tout devant aboutir à une réparation des préjudices, illustrent finalement le haut degré de l'incompréhension sur ce sujet : les algériens accusent l'indifférence, le manque de volonté politique chez les Français alors que ces derniers amputent le blocage au laisser-aller des Algériens. Un langage de sourds-muets, mais, heureusement, les faits sont mieux parlants : le rapport annuel du Commissariat à l'énergie atomique de 1960 montre l'existence d'une zone contaminée de 150 km de long ! Le représentant du ministre des Moudjahidin, M. Mohamed Cherif Abbès a souligné ce fait, dans son allocution d'ouverture en rappelant que "les déchets de ces engins nucléaires gisent toujours dans le sol du Sahara algérien, avec tous les risques qu'ils supposent". "La responsabilité de la France est entière, ça n'a pas besoin de démonstrations", ajoute-t-il. Il faut savoir que le programme nucléaire français, instruit par le Général De Gaulle fut financé par des fonds secrets et le site de Reggane a été choisi dès 1957. La France a réalisé ses premiers essais nucléaires en pleine connaissance des risques et en plein moratoire international décidé par les trois puissances nucléaires en novembre 1958. Les essais dévastateurs sont ceux-là : 04 tirs aériens, à Hammoudia, entre 1960 et 1961, et les 13 essais souterrains à Taourirt Tan Affala entre 1961 et 1966. 17 au total. Au moins 3 180 victimes, du côté algérien seulement, ont été dénombrées. Plus tard, il y eu des dizaines d'essais complémentaires dits "essais froids ". M. Saïd Abadou, l'ex-ministre des Moudjahidin et actuellement SG de l'organisation nationale des moudjahidin estime que la signature d'un traité d'amitié entre les deux pays passe par la reconnaissance du crime de guerre et la réparation des dégâts encourus par ces essais. La juriste algérienne, Mme Fatma Ben Brahem qui se penche sur l'aspect juridique de ce problème et qui se trouve à la tête de l'Association nationale pour la décolonisation des relations algéro-françaises pense ceci : "Des lois concernant l'Archive française ont été signées entre les 05 et 09 janvier 1979 et définissent le droit de l'accès à tous ceux qui ont un quelconque intérêt. Mais, dans la pratique, ce n'est toujours pas le cas. Concernant le secret militaire, dans la législation, il y a une durée délimitant ce caractère de confidentialité après quoi, elle est levée. Les français n'ont aucun argument pour justifier cette politique de l'autruche : si l'Algérie et la France sont liées par le passé commun, l'archive doit être aussi un passé commun". Mme Helene Luc, une parlementaire française communiste, indique que "l'Agence internationale de l'énergie atomique avait publié son rapport, celui-ci a été remis d'ailleurs au gouvernement algérien en 2005 mais la France n'a pas encore fait tout ce qu'il fallait dans la transparence. Et la moindre des choses, c'est d'établir une cartographie des conséquences et tirer les conclusions et les indemnisations qu'il faut payer aux Algériens… et aux Français victimes aussi !". Le nouveau, du côté français, peut venir du Parlement. Mme Helene Luc déclare avoir d'ailleurs introduit une proposition de loi pour l'établissement d'un bilan exhaustif et réactualiser les dégâts occasionnés dans la Sahara algérien. Et cela devra se faire incessamment, par M. Jurien de la Graviére, délégué national à la sûreté nucléaire. Cette représentante de la commission des Affaires étrangères et à la Défense dit avoir obtenu gain de cause auprès de Mme Michelle Mariot, ministre français à la Défense, concernant la levée du caractère de secret militaire sur ce dossier. L'avenir est des plus prometteur.