Chose promise, chose due. Comme il s'y était engagé pendant la campagne présidentielle, Barack Obama a demandé à son administration de publier les consignes que la CIA envoyait à ses agents chargés d'interroger les "terroristes". A la lecture de ces notes, il ne fait plus de doute que sous la présidence de George Walker Bush, les dirigeants de la sulfureuse agence de renseignement américaine ont ordonné à leurs subalternes d'utiliser la torture pour extorquer des aveux aux suspects. Les quatre mémos publiés jeudi par Washington, datés de 2002 et 2005, sont en effet des notes à usage interne détaillant une dizaine de techniques d'interrogatoire que la direction demandait aux agents d'utiliser. Un vrai petit manuel de la torture en somme, mais rédigé par des avocats mandatés par l'administration Bush pour tenter de jongler avec la légalité. Ainsi, pour briser les mécanismes de défense des présumés terroristes, la CIA préconisait de les priver de sommeil, puis de les déshabiller, de les enchaîner et enfin de les humilier en leur enfilant des couches-culottes. Une autre méthode proposée par l'agence consistait à ne rien leur donner à manger de solide. La direction était pleinement consciente que cela "altérait leur hygiène alimentaire", mais tel était le but.Une fois leurs mécanismes de défense bien entamés, les suspects étaient prêts à passer sous le feu des questions. Si certains rechignaient à dévoiler leurs plans, la CIA faisait quelques suggestions. Les agents avaient le choix entre la "frappe insultante au visage", la "frappe au ventre", ou plus déstabilisant: garder un suspect menotté, le priver de sommeil et le placer tout près d'un faux mur, qui s'affaissait chaque fois que l'homme exténué tentait de s'appuyer dessus... Et si vraiment le suspect était récalcitrant, rien de tel que de le placer en situation de stress. Quelques idées pour cela: lui mettre la tête sous l'eau en faisant mine de vouloir le noyer, l'enfermer dans une pièce en compagnie d'insectes qui piquent ou mordent... Attention toutefois: "ces techniques ne sont pas toutes utilisées en même temps", précise un mémo.Pour le nouveau président américain, ces méthodes, adoptées par l'administration Bush après le 11-Septembre, "ont miné l'autorité morale" du pays, sans même en "améliorer la sécurité". Dès qu'il est arrivé à la Maison blanche, Barack Obama s'est empressé de tourner la page de ce "chapitre noir et douloureux" de l'histoire des Etats-Unis, en interdisant formellement le recours à de telles techniques. Quant à ceux qui les ont utilisés, ils devraient échapper aux poursuites judiciaires. "Ils n'ont fait que leur devoir, en se basant avec bonne foi sur les conseils légaux du département de la Justice", affirme Obama. D'ailleurs, les noms des agents qui figurent sur les documents ont été soigneusement effacés avant leur publication par l'administration américaine. Pas question d'exonérer tout le monde de ces responsabilités, protestent en choeur l'Association de défense des libertés civiles (ACLU), le Centre des droits constitutionnels (CCR) et Amnesty International. "Ces mémos fournissent la preuve irréfutable que des responsables de l'administration Bush ont autorisé, et donné leur bénédiction légale à des actes de torture qui violent les lois internationales et nationales", assène un porte-parole de l'ACLU. Le directeur du renseignement américain, Dennis Blair, s'est échiné jeudi à calmer le jeu. Ce qui peut paraître "choquant et dérangeant en 2009", doit être replacé dans le contexte d'"horreur" du 11-Septembre, a-t-il expliqué. En 2001 donc, c'était beaucoup moins "choquant" qu'en 2009.