A moins de quatre semaines des élections de juin et en pleine crise économique mondiale, le Parlement européen serre la vis sur les frais des députés, que les eurosceptiques trouvent trop peu regardants à la dépense. Tous les députés toucheront désormais le même salaire: 7.665 euros bruts par mois. L'objectif est d'en finir avec l'image d'eurodéputés privilégiés aux nombreux avantages: le cliché fait l'objet depuis longtemps de railleries en Grande-Bretagne, où les parlementaires nationaux se retrouvent par ailleurs aujourd'hui au centre d'une tempête sur leurs propres frais. En vertu de réformes sans précédent, fruits de longues et difficiles négociations, les 736 membres de la prochaine assemblée européenne gagneront bien moins que leurs prédécesseurs et devront se plier à des règles plus strictes en matière de dépenses. "Il va y avoir une grande révision après les élections", souligne Marjorie van den Broek, porte-parole du Parlement. "Je ne vois pas comment elle pourra être critiquée." Dans le cadre des nouvelles dispositions, le Parlement européen a pris une mesure radicale: celle de demander à voir les pièces justificatives pour toutes les dépenses. Jusqu'à présent, les eurodéputés pouvaient demander le remboursement d'un billet d'avion plein tarif même s'ils effectuaient le déplacement en voiture. Ils avaient légalement le droit d'empocher la différence. Les réformes permettront encore aux députés de réclamer une indemnité forfaitaire de 298 euros pour les réunions officielles des organes du Parlement -qui se tiennent deux fois par mois à Strasbourg et Bruxelles- mais seulement s'ils y assistent réellement. Et les nouvelles mesures limiteront les indemnités -la rémunération d'un assistant et les frais de gestion du bureau du député- à 25.800 euros par mois. Par ailleurs, les membres du Parlement ne pourront plus employer conjoint ou enfants, et les assistants parlementaires basés dans l'Etat membre d'un député dépendront d'"agents payeurs", ce qui leur garantira un régime d'imposition et de sécurité sociale dans l'Etat membre concerné. Autre nouveauté: les règles en matière de salaires et d'avantages seront uniformisées. Ainsi, tous les membres du Parlement gagneront 7.665 euros, un salaire au montant unique qui mettra fin à la règle selon laquelle les eurodéputés touchent le même salaire que leurs confrères au sein des législatures nationales. Grâce à cette disposition, les eurodéputés italiens du Parlement sortant empochaient le plus gros salaire: ils gagnaient 12.000 euros par mois, soit quatre fois plus que leurs homologues espagnols et dix fois plus que ceux des pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). Pour certains parlementaires, les changements ne vont cependant pas encore assez loin. "Même si des réformes significatives sont maintenant entreprises, elles restent dispendieuses et ouvertes aux abus", juge le Britannique Chris Davies, du Parti libéral démocrate, qui brigue un nouveau mandat au Parlement européen. "Le salaire et les dépenses des membres devraient être fixés par une instance indépendante, pas par les membres eux-mêmes", plaide-t-il, estimant que les eurodéputés devraient être contraints de publier les détails de tout l'argent provenant des fonds européens qu'ils touchent et dépensent. Les réformes, aux yeux d'analystes, visent à répondre aux préoccupations relatives à la façon dont le Parlement européen dépense l'argent du contribuable. Ils se demandent cependant si elles suffiront à juguler de façon significative les pratiques abusives. "Les membres du Parlement sont hantés par la même question que d'autres, à savoir, les hommes politiques sont-ils suffisamment payés? Il est difficile de répondre", observe Hugo Brady, du Center for European Reform, groupe de réflexion installé à Londres. Le Parlement espère en tout cas que ces nouvelles règles financières l'aideront à relever l'un de ses grands défis: lutter contre le déclin de la participation électorale aux européennes. En 1979 -année des premières élections directes-, la participation dans les neuf pays alors membres du bloc européen s'était élevée à 63%. Aux dernières élections en 2004, la mobilisation a chuté à 45,7%. Selon une récente étude d'Eurobaromètre, 53% des Européens ne sont pas intéressés par ce scrutin.