Partagés qu'ils sont quant au bien-fondé des rémunérations des députés. «C'est une blague? Les députés demandent l'augmentation de leurs indemnités? Franchement, ils ont de l'audace.» Hakim, universitaire, propose de ramener cette indemnité à 5000DA. «A mon avis, c'est le salaire que doivent recevoir les députés. C'est une sorte de prime pour tout l'effort qu'ils font chaque fois qu'ils lèvent la main pour adopter les projets du gouvernement», ironise-t-il. Pour ce jeune, l'Algérie n'a pas besoin «d'une boîte d'enregistrement». D'ailleurs, ajoute-t-il: «Honnêtement, ça ne me dérangerait pas si l'on supprimait les deux chambres parlementaires. L'on pourrait dès lors distribuer aux chômeurs le budget qui leur est octroyé.» Les indemnités des députés, voilà un sujet qui passionne les Algériens. Ayant été derrière l'élection des parlementaires, les citoyens se considèrent plus que jamais concernés par le nouveau statut des heureux candidats. Mais c'est souvent avec une note d'amertume et de désolation que l'on aborde le sujet. 15 millions de centimes, est-ce trop pour un député? Salim, chômeur, est convaincu que les députés ne disent pas la vérité sur leur rémunération. «Je ne me souviens plus où est-ce que je l'ai lu, mais je vous confirme que le député touche plus que 15 millions. Vous pouvez facilement multiplier cette somme par deux.» Et puis, ajoute-t-il: «Ils ont un logement, une voiture gratuite, ils ne dépensent pratiquement rien de leurs poches et quand ils voyagent à l'étranger leurs frais de mission atteignent 1000 euros la journée.» Nous montrons à Salim la fiche de paie d'un député. Difficile de le convaincre. Il est catégorique que le «document est falsifié. Je suis sûr, croyez-moi, les députés touchent plus que ça». Mais en Algérie, il y a des personnes qui estiment «très basse» la rémunération des députés, non pas par rapport au travail que ces derniers fournissent, mais au regard de l'institution qu'ils symbolisent. «J'estime que 15 millions c'est peu pour des parlementaires censés être les piliers du pouvoir législatif», souligne Mme Fadila, enseignante à l'Institut des sciences politiques à l'université de Ben Aknoun. Comparer l'indemnité du député au salaire d'un fonctionnaire moyen «serait de la pure démagogie». «Nous avons 389 élus à l'APN. Ce sont les représentants du peuple et dans tous les systèmes politiques, ajoute-t-elle, le Parlement bénéficie d'une place-clé, au-delà de son rendement.» «Certes, les députés sont loin d'assumer leur véritable mission, mais il ne faut pas pour autant réduire à néant toute l'institution. Les hommes changent mais ce pouvoir demeurera. Qui sait, peut-être que dans dix ou vingt ans, on aura le profil souhaité du député.» Dissocier l'état actuel du pouvoir législatif de l'environnement général dans lequel évolue le système politique «serait une erreur», pense son collègue. «Le député n'est pas le seul à blâmer. Nous sommes dans un pouvoir quasi présidentiel. Le président recourt souvent aux ordonnances. Certaines lois paraissent dans le Journal officiel avant même qu'elles ne soient adoptées. Je pense qu'avant de juger le député, il faut blâmer le système politique.» Les partis, l'opposition en premier lieu, doivent peser, selon notre interlocuteur, de tout leur poids pour rétablir les choses et permettre à l'élu de retrouver «sa dignité» et surtout sa mission première.