La crise de l'endettement qui a frappé de plein fouet la Grèce, contrainte de recourir à un programme d'austérité drastique sous contrôle de l'Union européenne et du FMI, a produit un effet domino qui a touché tous les pays de la zone euro, et même au-delà, avec plus ou moins de gravité. Le spectre de la faillite qui a menacé l'Etat grec, provoquant l'affolement des marchés financiers, a, en quelque sorte, ouvert les yeux aux autres pays européens, qui regardent désormais en face la réalité de leur dette souveraine et l'ampleur de leurs déficits budgétaires. De quelque côté qu'on prenne le problème, la réduction des déficits et le désendettement progressif passent par des programmes de rigueur, qui signifient moins de dépenses publiques, et menacent le modèle social européen. Tous les pays concernés envisagent de sévères coupes budgétaires avec un impact direct sur les prestations sociales. Régimes des retraites, allocations chômage et même salaires des fonctionnaires connaîtront des dégradations substantielles dans certains pays tandis que la fiscalité pourrait connaître des hausses dans certains cas. Au Portugal, le gouvernement privilégie les hausses d'impôt mais il revoit aussi à la baisse l'indemnisation chômage et oblige, dorénavant, les chômeurs à accepter tout emploi qui leur serait proposé pour un salaire supérieur de 10% à leur allocation. De même, il réduit les investissements publics, gèle les salaires dans la Fonction publique et renforce les contrôles sur les demandes de prestations sociales. En Espagne, la réduction des salaires des fonctionnaires prendront effet dès le mois de juin et la revalorisation des pensions a été gelée alors qu'elle était à l'ordre du jour pour compenser la hausse des prix. Le gouvernement espagnol a également décidé de réduire l'aide aux personnes handicapées et a supprimé la prime de 2 500 euros octroyée pour chaque naissance. Parallèlement, il a relevé l'âge légal de la retraite de 65 à 67 ans. L'Italie veut réduire ses dépenses publiques de 24 milliards d'euros pour les exercices 2011 et 2012 et les Italiens, qui ont vu leur pouvoir d'achat baisser avec le passage à l'euro, craignent de voir leur situation se dégrader davantage. La Grande-Bretagne a opté pour un plan d'économies de près de 7 milliards d'euros au détriment des dépenses publiques et des salaires des fonctionnaires. De même, le nouveau gouvernement envisage de reporter l'âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans pour les femmes et de 65 à 66 ans pour les hommes. Les conditions de perception de l'allocation chômage seront durcies, le crédit d'impôt par enfant à charge limité et la prime de naissance de près de 300 euros abandonnée. En France, le débat sur la dette publique et le financement des retraites fait rage. L'âge de la retraite pourrait passer de 60 à 62 ou 63 ans, selon le gouvernement et un plan de rigueur est en cours d'élaboration. La proximité de l'élection présidentielle pourrait néanmoins retarder la mise en œuvre des mesures les plus impopulaires. Même l'Allemagne, la meilleure économie européenne et l'une des meilleures du monde, connue pour sa rigueur budgétaire, envisage de réduire ses dépenses publiques de 3 milliards d'euros et probablement aussi de baisser l'allocation chômage. L'annonce du programme d'austérité en Grèce a provoqué des manifestations violentes dont l'une d'elles a fait des victimes, sans compter les dégâts matériels. En Espagne, des grèves de fonctionnaires à répétition sont envisagées. Les autres pays ne sont pas à l'abri de remous sociaux au fur et à mesure que seront annoncées les inévitables mesures d'austérité. Tout semble indiquer que le modèle social européen mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale est en grand danger. Le risque est de voir la remise en cause d'un modèle de près de 70 ans mettre en danger, à son tour, la paix sociale.