Après un nouvel échec électoral à Tokyo, le premier ministre Taro Aso convoque des législatives dans lesquelles il part battu d'avance. L'alternance est déjà dans les têtes au Japon. Le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir de façon quasi ininterrompue depuis 1955, a subi une sévère défaite lors d'un scrutin municipal dimanche à Tokyo. Ce vote était perçu comme un test avant les prochaines élections législatives, qui doivent avoir lieu avant le 10 septembre ; le mauvais résultat du vote de ce week-end annonce des législatives calamiteuses pour le PLD. "La majorité est à 241 sièges pour les élections législatives et, au vu des résultats de dimanche, je pense que le Parti démocrate (PDJ, le principal parti d'opposition) en raflera au moins 260", estime le polito logue Takao Toshikawa. Malgré quelques scandales sortis ces dernières semaines comme par magie pour éclabousser le PDJ, plus rien ne semble arrêter ce dernier. Au PLD, on a déjà entériné la défaite. Junichiro Koizumi, l'ancien premier ministre PLD le plus populaire qu'ait connu le pays, a récemment enjoint ses ouailles à se faire une raison : "Nous sommes au bout du rouleau, mais le Japon est une démocratie, et nous devons accepter d'entrer dans l'opposition", leur a-t-il déclaré. Dan Harada, un lobbyiste proche du PLD, fait contre mauvaise fortune bon cœur : "Les résultats d'hier sont désastreux, mais ils ont au moins freiné nos dissensions internes. Nous allons pouvoir nous présenter unis devant les électeurs. Il n'y aura pas les pro et les anti-Aso", estime-t-il, évoquant le premier ministre actuel qui bat des records d'impopularité. De son côté, le leader du PDJ, Yukio Hatoyama, a enfin trouvé le sourire : il obtient ce qu'il avait cherché toute sa carrière, passée dans l'opposition. Il sera, selon toute vraisemblance, le prochain premier ministre du Japon. "Et il veut tout casser", promet un de ses proches. Yukio Hatoyama veut renverser le rapport de forces entre bureaucrates et hommes politiques pour faire de ces derniers les véritables "patrons" du pays : c'est le gouvernement qui signera le budget, non les cols bleus du ministère des Finances ; ce sont des hommes politiques qui occuperont la tête des ministères, non des fonctionnaires, etc. Mais le PDJ a-t-il les moyens de ses ambitions ? Rien n'est moins sûr. Il manque de pratique : seuls quatre membres du PDJ ont une véritable expérience du pouvoir. Plus fondamentalement, la classe politique est de peu de poids face à ces machines bureaucratiques que sont les ministères nippons. Chaque fois qu'un ministre a tenté de les dompter, elles ont fait le dos rond. "Le PDJ veut envoyer cent de ses membres à la tête de chaque ministère mais c'est irréaliste. Yukio Hatoyama ouvrira sans doute sa majorité à des membres du PLD pour faire taire les critiques", estime Takao Toshikawa. Plus il s'approche du pouvoir, plus le PDJ met de l'eau dans son vin réformiste. Après s'être engagé à retirer ses forces logistiques de la coalition engagée en Afghanistan, il a indiqué lundi qu'il les maintiendrait…