La guerre des gazoduc, fait rage en Europe centrale. Et la Bulgarie se trouve actuellement à la croisée des chemins. La participation de la Bulgarie à chacun des deux projets de gazoducs concurrents, le russo-italien South Stream et l'européen Nabucco, est cruciale, de quoi de donner une marge de manœuvre importante à Sofia. A ce propos, le ministre bulgare de l'Economie, de l'Energie et du Tourisme, Traïtcho Traïkov, a indiqué que ces projets allaient être réexaminés. Concernant Nabucco, qui doit transporter du gaz du Moyen-Orient vers l'Europe via la Turquie, en contournant la Russie, le ministre a donné un avis plutôt positif : "Il y a déjà un modèle des prix de Nabucco approuvé par les régulateurs énergétiques de l'UE et de la Turquie, ainsi qu'un modèle du financement". Par contre, "il y a toujours des problèmes en ce qui concerne l'argumentation technique et économique de South Stream", a-t-il ajouté. Il est vrai qu'en Bulgarie, le projet South Stream rencontre déjà des difficultés. A la suite des élections législatives qui ont eu lieu dans le pays le 5 juillet, un nouveau gouvernement sera formé. Le leader du parti GERB Boïko Borissov, vainqueur des élections, a déjà déclaré la nécessité de suspendre les négociations sur tous les projets énergétiques avec la Russie, y compris la construction du tronçon bulgare de South Stream. Ainsi, la Bulgarie veut obtenir de Moscou des conditions plus avantageuses pour les accords énergétiques bilatéraux. Le gazoduc Nabucco (3.300 km de longueur), d'une capacité de 31 milliards de mètres cubes par an, reliera la ville d'Erzurum, à l'est de la Turquie, au grand hub européen de Baumgarten (en Autriche), en passant par la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie. Le coût du projet est estimé à 7,9 milliards d'euros. Le gazoduc devrait être mis en exploitation en 2015-2016. La signature de l'accord intergouvernemental sur Nabucco avait été reportée à plusieurs reprises, la Turquie ayant réclamé que 15% du gaz passant par le gazoduc lui soient vendus à des prix avantageux. Mais si cette exigence était satisfaite, le projet européen ne serait plus rentable. Finalement, l'Union européenne a réussi à convaincre Ankara de renoncer à ses désidérata. Un autre problème, beaucoup plus grave et persistant, pour Nabucco lequel réside dans le remplissage du tuyau. Les auteurs du projet semblent avoir désormais une vision réaliste de leurs possibilités. Selon eux, à la première étape, Nabucco pourrait transporter entre 8 et 10 milliards de mètres cubes de gaz par an, pour augmenter progressivement ses capacités par la suite. C'est l'Azerbaïdjan qui sera le principal fournisseur de Nabucco à cette première étape, car la conduite Bakou-Tbilissi-Erzurum fonctionne déjà. Selon les auteurs du projet, d'ici à 2015, l'Azerbaïdjan et l'Iran pourront fournir entre 7 et 8 milliards de mètres cubes de gaz chacun, et l'Egypte en fournirait encore 2 milliards. Cependant, à la veille de la signature de l'accord, le porte-parole de l'Iran a déclaré que son pays n'avait pas de gaz supplémentaire pour Nabucco et que l'Iran utiliserait ce carburant pour satisfaire les besoins de son marché intérieur. En revanche, le Turkménistan a apporté son soutien au projet Nabucco. Le président turkmène, Gourbangouly Berdymoukhamedov, a directement soutenu ce projet en déclarant que son pays, fidèle aux principes de diversification des exportations de ses produits énergétiques, envisageait d'utiliser toutes les possibilités pour participer à des projets internationaux d'importance "tels que Nabucco". Les auteurs de Nabucco ont toujours rêvé d'entraîner le Turkménistan dans le projet, par le biais du Gazoduc transcaspien qui devrait relier les côtes turkmène et azerbaïdjanaise en passant par le fond de la Caspienne. Or, en vertu de l'accord signé en 2003, le russe Gazprom a le monopole de l'achat du gaz turkmène à hauteur de 50 milliards de mètres cubes par an pour une période de 25 ans. D'ailleurs, au printemps dernier, la compagnie russe a pratiquement cessé d'acheter du gaz au Turkménistan, étant donné la chute de la demande, ce qui a poussé le pays à se tourner vers Nabucco. Or, les Chinois ont devancé les Européens au Turkménistan. Dès l'automne prochain, les premières livraisons de gaz devraient être effectuées par le nouveau gazoduc reliant le Turkménistan à la Chine, d'une capacité maximale de 40 milliards de mètres cubes par an.