Le conflit sur le gaz de janvier entre la Russie et l'Ukraine, durant lequel une pénurie avait été évitée de justesse en Europe de l'Ouest, tandis que les Balkans avaient largement souffert d'un déficit en énergie, a vite fait de relancer la question des corridors gaziers alimentant l'Europe.La Russie qui est sortie, en tout point de vue, gagnante de cette crise gazière, n'entend pas d'arrêter en si bon chemin. Voulant maintenir son pays en pôle position des fournisseurs de l'Europe, le président russe Vladimir Medvedev a appelé, jeudi, dans une interview à la télévision bulgare, à accélérer la construction des gazoducs South Stream et North Stream, afin de diversifier les voies de livraison du gaz russe vers l'Europe. "Il faut accélérer la construction des nouvelles voies énergétiques. Si nous pouvons diversifier les livraisons, l'Europe dépendra beaucoup moins des états d'âme du régime politique dans un Etat ou un autre", a-t-il souligné, faisant allusion au conflit gazier russo-ukrainien qui a privé l'Europe de livraisons de gaz russe pendant deux semaines. Le président a également appelé à "de larges consultations et préparatifs de nouveaux accords" entre les pays européens comme consommateurs de carburants et l'Etat russe en tant que fournisseur fiable. "Il faut s'efforcer de créer un régime juridique international de contrôle", a-t-il ajouté. Allant plus loin, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a proposé, mercredi à Davos, la création d'un traité sur l'énergie qui serait comparable à la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier. Ces déclarations des officiels russes interviennent au moment où l'Europe, échaudée par le conflit gazier, cherche à mieux diversifier ses sources et moyens d'approvisionnement pour réduire sa dépendance. En effet, tous les experts de l'UE se penchent actuellement sur les solutions possibles pour réduire la dépendance, voire éviter un jour un éventuel chantage politico-économique au gaz. Parmi les options qui se présentent donc à l'Europe, le projet Nabucco qui prévoit d'alimenter l'Europe en gaz de la mer Caspienne et de l'Asie centrale. Le projet est soutenu par l'UE qui finance les études de faisabilité à hauteur de 50 %, et plus particulièrement par le gouvernement et l'industrie de six des pays qu'il doit desservir : l'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Turquie. Mais de nombreux obstacles politiques et financiers doivent encore être levés pour voir ce chantier d'environ 8 milliards d'euros démarrer. Les plus optimiste annoncent un lancement en 2010. Même si le Nabucco est considéré par les russes comme étant un mauvais projet, il n'empêche qu'ils estiment qu' il ne faut pas se dépêcher de l'enterrer, puisqu'il sera réalisé au bout du compte, bien qu'il ne s'agisse pas d'un avenir proche. En remplacement à la voie discréditée via l'Ukraine, la Russie propose North Stream (via la mer Baltique) et South Stream (via la mer Noire), mais ces deux nouvelles voies maintiennent, du point de vue européen, la dépendance envers la Russie. Dans un dossier où les enjeux sont énormes, le moindre accros peut faire basculer la balance d'un côté comme de l'autre. Et dans cette partie d'échecs autour des corridors gaziers européens, la Russie semble avoir une longueur d'avance sur l'Union. Yacine B.