Le lait et ses dérivés restent les produits dont l'offre sur le marché national demeure insuffisante. Les Algériens consomment trois milliards de litres chaque année. Il faut en importer 1,2 milliard. La facture approche un milliard d'euros pour l'Etat, qui ne veut pas faire payer la note au consommateur : le litre reste à 25 dinars à l'étal. Mais la flambée des prix alimentaires, début 2008, a poussé les autorités à prendre enfin le taureau par les cornes. La spéculation a fait, rappelons-le, passer le prix de la tonne de poudre de lait de 2 200 à 5 000 dollars. Le gouvernement est donc décidé à réduire le flux des conteneurs de poudre, venant en majorité d'Europe, qui encombrent le port d'Alger. La première réforme a touché la collecte. La majorité des fermes ayant moins de six vaches, 10 % seulement du lait arrive aux laiteries, soit 200 millions de litres. Ce sera 400 millions pour 2009, puis 600 millions en 2010. "Avec 190 millions à la fin juin, on est près de l'objectif", s'est félicité Abdelhafidh Henni, directeur de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil), dans une déclaration à Ouest France. "La Bretagne n'a pas de pétrole, mais elle a du lait. L'Algérie, grande importatrice de poudre, va puiser dans le savoir-faire breton pour relancer sa production", ajoutera-t-il. Dénommé "Projet de Bretagne International", ce dernier mûrit en fait depuis quatre ans entre l'Algérie et la première région d'élevage d'Europe, représentée par Bretagne International et la Chambre régionale d'agriculture. L'opération doit démarrer dans trois wilayas pilotes : Relizane puis Blida (centre) et Souk Ahras (est). Cette expérience pourrait être élargie à plusieurs autres wilayas selon une libre adhésion des éleveurs. Un Comité national de pilotage articulera les unités opérationnelles de chaque wilaya appelées "Groupes d'appui aux éleveurs (Gapel)." Animé par cinq ingénieurs ou techniciens spécialisés, le Gapel est chargé d'accompagner environ 300 à 350 éleveurs dans toutes les étapes : l'alimentation du cheptel, la santé animale ou la production et la collecte de lait. Il vise à créer des exploitations familiales possédant 30 à 40 vaches laitières, et même plus, pouvant produire quelque 7500 l/an de lait par vache. D'un coût de 1,8 million d'euros sur trois ans, le projet est financé à raison de 60% par des fonds publics algériens et de 40% par la partie française. Le réseau de production est constitué de petites exploitations, dont 96% disposent de moins de 6 vaches. Celles disposant de 12 vaches et plus ne représentent qu'une infime proportion estimée à 4%. Des subventions sont accordées par l'Etat à l'éleveur - producteur, le collecteur et les laiteries. Elle s'élève à 12 DA/litre, alors qu'une aide de 5 DA/litre est versée au second maillon, et une prime d'intégration de 4 DA/litre est attribuée aux laiteries afin d'encourager la collecte auprès des producteurs. Mais c'est toute la filière qu'il faut reconstruire. Comme le dit Abdelkader Chahed, le directeur de la laiterie publique Colaital, à Birkhadem, "la poudre de lait a tué la vache. Il y a l'alimentation, l'insémination artificielle, l'appui technique, la qualité, les éleveurs à organiser... ". Il est, par ailleurs, utile de rappeler que le ministère de l'Agriculture et du Développement rural prévoit, pour le quinquennat 2009/2014, une production de 3,2 milliards de litres de lait de vache, contre 1,6 md/l en 2008 sur une production totale, toutes origines confondues, de 2,2 mds/l, et une croissance de plus de 7,7% en moyenne annuelle. Troisième importateur mondial de lait, soit après l'Italie et le Mexique, l'Algérie achète 22% environ de lait du total de ses importations. Le prix du lait, qui ne représente qu'une faible couverture de la consommation nationale, a augmenté moins rapidement que d'autres produits. Adnane Cherih