Longtemps utilisées comme moyen de lutte contre le péril acridien, les escadrilles d'avions d'épandage de pesticides pourraient bientôt être reléguées aux oubliettes, si le procédé organique, basé sur l'utilisation d'un champignon et testé en Mauritanie dans le cadre de la lutte biologique contre les larves de criquets, s'avère concluant. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Centre de lutte anti-acridienne de Mauritanie ont lancé un essai de lutte biologique contre les criquets pèlerins, suite à l'invasion observée en octobre à 200 km au nord-est de Nouakchott.. Le produit testé est déjà commercialisé par une société sud-africaine sous le nom Green Muscle. Les criquets pèlerins représentent une menace mortelle pour les populations d'Afrique où, de nombreuses communautés agricoles, démunies, disposent de faibles moyens de subsistance et sont vulnérables aux pénuries alimentaires. Les essaims de criquets peuvent s'étendre sur plus de 40 km et compter des milliards d'individus capables de ravager en quelques secondes toutes les cultures d'un champ. Ce nouveau test de lutte biologique, que la Mauritanie attendait de pouvoir réaliser depuis 2005, a été reporté faute d'une présence suffisante de criquets. " Le produit existe depuis 1998, mais la matière active, le champignon a été trouvé en 1989 au Niger ", explique Christiaan Kooyman, pathologiste des insectes à l'International Institute for Tropical Agriculture à Cotonou, au Bénin, cité par la presse africaine. Le champignon agit lentement, entre trois jours et trois semaines, selon les doses. " Les spores tombent sur le criquet, germent sur la peau, le tube de germination pénètre à l'intérieur, et le champignon commence à envahir tous les tissus " précise-t-on. Les tests en laboratoire ont déjà montré l'efficacité du champignon. " Ce n'est pas un essai de plus, mais un essai opérationnel. On veut soumettre le produit aux conditions normales dans la zone sahélienne pour voir l'adaptation du champignon aux conditions climatiques locales "explique Sid'Ahmed ould Mohamed, responsable du département recherche et environnement au Centre de recherche anti-acridienne de Nouakchott. Sur le terrain, les prédateurs sont à l'oeuvre et bousculent le déroulement de l'expérience. " On observe des prédateurs de toute sorte, des vertébrés comme les oiseaux, les lézards, des invertébrés comme les guêpes et les coléoptères qui sont en train d'attaquer les larves en masse. Les larves sont devenues plus lentes, ont dirait que le produit commence à agir, à les affaiblir ", explique de son coté Wim Mullie, du bureau sous-régional du criquet pèlerin de la FAO, à Dakar. Si le test est concluant, le produit devra trouver sa juste place dans la stratégie globale de la lutte préventive contre le criquet en Afrique, même si certains chercheurs pensent qu'il faudra encore du temps pour remplacer les formules chimiques par des procédés organiques. "La préoccupation du biologique ou du naturel n'a jamais été très forte sur le continent ", rappelle M. Kooyman. Les experts reconnaissent aussi que le procédé de mort lente peut être vu comme inefficace par les esprits habitués à un traitement chimique radical. Toutefois, si le test mauritanien s'avère positif, la FAO entend intégrer le Green Muscle dans sa panoplie de méthodes de lutte biologique. " Le test mauritanien n'est pas local, ni national. Il servira à toute la sous-région s'il est positif " , affirme Thami Benhalima, secrétaire executif de la commission de la FAO de la lutte contre le criquet pèlerin.