L'économie algérienne a quitté les rives de l'économie administrée sans encore atteindre l'autre rive, celle de l'économie libérale, l'économie ouverte, le marché ouvert, la suppression des frontières pour la circulation des marchandises qui proviennent de l'étranger, mais assez difficile pour nos produits qui voudront se placer dans des marchés extérieurs. On ne peut pas faire en quelques années ce que les pays à économie développée ont fait en quelques siècles. Faudrait-il croire ou ne pas croire qu'entrer en économie de marché équivaut pour les uns à une entrée dans une guerre économique où la concurrence est sans pitié et où il y a fatalement des victimes que sont nos entreprises et nos industries alors que pour d'autres, bien au contraire c'est un passage obligé pour que nos entreprises atteignent la dimension internationale ? Faudrait-il y aller avec empressement ? Pour nous, l'inquiétude devrait venir à la fois de l'environnement national interne car nos entreprises s'estiment elles-mêmes incapables de progresser si ne se pratique pas le patriotisme économique, c'est-à-dire les protéger de la concurrence internationale en fermant le marché intérieur aux produits étrangers, et également et surtout de l'environnement international qui est construit juridiquement par les grandes puissances économiques et les institutions financières internationales, et en faveur de leurs entreprises. Depuis le début de la décennie 90, et même avant, tous les discours présentaient les réformes comme devant donner à nos entreprises toutes les capacités nécessaires à la maîtrise à la fois du temps "économique" et des moyens de leur apprentissage à resserrer les coûts , à rogner sur leurs marges pour survivre, à investir dans la recherche et développement pour améliorer la qualité et les performances des produits, à faire comme les autres entreprises de par le monde, c'est-à-dire orientées vers le seul profit et qui sauront investir là où il y aura des parts de marché à prendre et où la main-d'œuvre ne coûte pratiquement rien. On pensait beaucoup à l'acquisition des capacités à pénétrer les marchés étrangers mais pas à protéger le marché intérieur. C'était pratiquement l'euphorie. Il n'était pas question d'assimiler le champ international économique à un champ de guerre, ou d'entrer dans l'économie de marché comme on entrait dans une guerre. On se voyait surtout pour l'avenir, après la mise en œuvre des programmes de mise à niveau, plutôt comme des vainqueurs que des vaincus, surtout que ceux qui négociaient l'entrée de l'Algérie dans les accords d'association et dans l'OMC ainsi que dans les zones de libre-échange insistaient sur les avantages ( fictifs ?) mais pas sur les inconvénients. Un environnement dit de concurrence, et pas réellement de coopération, malgré les phrases adoucissantes prononcées à notre attention par les pays riches et dont les entreprises internationales ne feront qu'une bouchée de nos entreprises. Seules les puissances économiques et les institutions financières internationales soutiennent vaille que vaille (vaille que vaille pour nous bien sûr) qu'il s'agit d'une concurrence saine, et que la mise à niveau de nos entreprises suffira à faire de ces dernières des entreprises capables de gagner des marchés à l'extérieur du pays, alors que les enjeux véritables devraient être pour nous de préserver notre marché intérieur pour garantir la survie à nos entreprises, c'est-à-dire garantir les emplois et un certain pouvoir d'achat aux ménages sous peine d'une agitation sociale permanente. Tant que les importations sont aussi fortes, importantes, il serait illusoire de répondre positivement à nos entrepreneurs quand ils en appellent à consommer "biladi" ou à protéger le marché interne. Un comportement patriotique difficile à maintenir sous la pression des prix bas des produits provenant de pays où les normes sociales sont inférieures aux nôtres, ce qui se traduit par des coûts de production très faibles qui rendent leurs produits beaucoup moins chers par rapport aux nôtres. N.B