Le comité français des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) souhaitait hier , dans un communiqué, que la France attende la prochaine évaluation du stock de thon rouge cette année avant de décider si elle soutient l'interdiction de commercialisation de cette espèce. La France doit se prononcer pour ou contre l'inscription du thon rouge à l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), qui interdit totalement la vente de ce poisson. A Bruxelles, la Commission européenne attend la décision française avant d'arrêter sa propre position sur le thon rouge pour la prochaine réunion de la CITES en mars à Doha. La Commission décidera la semaine prochaine si elle propose de nouveau aux 27 pays de l'Union européenne de soutenir l'inscription à l'annexe I - jusqu'ici défendue par la seule principauté de Monaco - ou une inscription à l'annexe II, beaucoup moins restrictive. Selon le CNPMEM, le soutien du ministère de l'Ecologie à l'initiative de Monaco "résulte de la pression constante et injustifiée exercée par les ONG". Le CNPMEM se dit "très inquiet du sort qui risque d'être réservé aux pêcheurs français de thon rouge dont l'activité pourrait disparaître sans même prendre en compte les avis scientifiques". Dans les deux cas, inscription à l'annexe I ou II, "les pêcheurs de thon rouge devraient abandonner ce métier", souligne le communiqué. Or, selon un rapport publié mi-décembre par l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), des doutes subsistent sur l'évaluation des critères utilisés pour "déterminer si le stock est en dessous d'un seuil critique ou non", indiquent les marins-pêcheurs. "Il semble donc logique et vital que la France attende la prochaine évaluation complète du stock de thon rouge qui aura lieu au cours de l'année, avant d'envisager une quelconque inscription de cette espèce à la CITES qui serait effectivement désastreuse pour les pêcheurs français", conclut le CNPMEM. De leur côté, les organisations Greenpeace et WWF estiment que la France doit soutenir l'interdiction de commercialiser le thon rouge, dont les stocks ont fondu de plus des deux tiers en 50 ans, pour entraîner le reste de l'Europe. Notons que l'arsenal de l'Union européenne (UE) entre en application peu après l'adoption par la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le 25 novembre 2009, d'un traité visant à prohiber l'accès des ports de pêche aux navires pratiquant ces activités. S'il ne sera effectif qu'après ratification par vingt-cinq Etats, son adoption est un signal politique important. L'activité comporte de multiples facettes, de l'infraction à la réglementation (dépassement de quotas, utilisation de techniques de pêche interdites, pêche en dehors de la saison ou de la zone autorisée, etc.), au pillage pur et simple, pratiqué par des bateaux sans licence. Toutes contribuent largement à la surpêche dans le monde : plus de 80 % des stocks de poissons sont exploités au maximum ou surexploités, selon la FAO. Certains navires emploient des techniques particulièrement destructrices : raclage des fonds marins, rejets massifs en mer de poissons morts jugés non rentables... La pêche pirate représente une concurrence déloyale pour les pêcheurs respectueux des lois. Dans les pays en développement, elle compromet la survie des pêcheurs locaux. "L'impact social et économique est considérable dans les pays pauvres, affirme Duncan Copeland, de l'Environnemental Justice Foundation. Le pillage prive les pêcheurs de leurs ressources, empêche le développement de filières d'exportation et la perception de taxes. Elle met également en péril la santé des populations : dans certains pays, 80 % de l'apport en protéines vient des poissons." Tirée par la demande des pays riches, la pêche illégale cible des espèces à forte valeur ajoutée : thons, légine australe, crevettes, homards... Aucune zone du globe n'est épargnée. Même les pays développés n'ont pas les moyens de contrôler efficacement des espaces aussi vastes. Dans les eaux européennes, la probabilité qu'un navire fasse l'objet d'une inspection est de 1 sur 600. Cette probabilité devient nulle en haute mer (au-delà des 200 milles nautiques de la zone économique exclusive) ou au large des pays pauvres. L'Afrique de l'Ouest, le Pacifique et l'océan Indien sont particulièrement touchés. Les hors-la-loi sont souvent européens ou asiatiques. Le système fonctionne aussi grâce à la défaillance de certains Etats, censés contrôler la légalité des activités de la flotte battant leur pavillon. Les pavillons dits de complaisance ne remplissent pas ces obligations. Comme les pétroliers poubelles, les pêcheurs pirates changent, en outre, facilement de pavillon et de nom. Leurs propriétaires se dissimulent derrière des sociétés écrans, domiciliées dans des paradis fiscaux. Pour contrer le phénomène, le traité de la FAO a pour objectif de bloquer l'accès des ports des Etats signataires aux navires hors la loi (ou à leurs soutiens logistiques) en contrôlant leurs activités (demandes d'autorisation préalable d'accès obligatoire, inspections régulières des permis, du matériel de pêche et des livres de bord, etc.). L'UE, de son côté, agit sur plusieurs fronts. Le contrôle de ses propres navires est renforcé : le suivi par satellite de leur position et le report automatique des captures deviennent obligatoires. Les sanctions en cas d'infraction, aujourd'hui ni homogènes ni dissuasives, sont harmonisées et aggravées. Leur montant minimum est porté à 5 000 euros, et un système comparable au permis automobile à points est instauré. En matière d'importations, le rôle de l'UE est important : elle est le premier importateur mondial de produits de la mer (elle importe 65 % de sa consommation). Le nouveau règlement a pour ambition de bannir de l'UE les produits illégaux, en instaurant davantage de contrôles dans les ports, ainsi qu'une "liste noire" communautaire des navires et des Etats fautifs. Surtout, un système de traçabilité des produits importés, reposant sur des certificats de captures qui devront être fournis par les navires et validés par les Etats du pavillon, est instauré. "C'est un bon angle d'attaque, commente Charles Braine, du WWF. C'est plus efficace et beaucoup moins cher que de faire de la surveillance en mer." D.T.