L'avenir du thon rouge devait se jouer avant- hier à Paris. Et la Commission européenne attend toujours le choix de la France pour arrêter sa position en vue de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacée d'extinction (CITES) qui prendra une décision finale sur le sort du thon rouge en mars au Qatar. Le comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) souhaite que le gouvernement français attende la prochaine évaluation du stock de thon rouge pour 2010 avant d'arrêter sa décision, de crainte que les pêcheurs de cette espèce se retrouvent privés de revenus du jour au lendemain. Quant aux écologistes, ils souhaitent, eux, que Nicolas Sarkozy, qui s'était prononcé en juillet dernier pour l'interdiction du commerce du thon rouge ait conservé sa position. Paris a reporté l'échéance et ne s'est toujours pas exprimé. Les scientifiques estiment que l'espèce est mise en danger par la surexploitation et la Commission européenne a entamé à plusieurs reprises des procédures d'infraction contre les pays européens, dont la France, qui ne contrôlent pas suffisamment les captures de leurs pêcheurs. Les quotas de pêche annuels fixés par l'exécutif européen sont systématiquement épuisés après quelques mois de pêche mais les captures illégales seraient beaucoup plus importantes. Or, selon un rapport publié mi-décembre par l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), des doutes subsistent sur l'évaluation des critères utilisés pour "déterminer si le stock est en dessous d'un seuil critique ou non", indiquent les marins-pêcheurs. "Il semble donc logique et vital que la France attende la prochaine évaluation complète du stock de thon rouge qui aura lieu au cours de l'année, avant d'envisager une quelconque inscription de cette espèce à la CITES qui serait effectivement désastreuse pour les pêcheurs français", conclut le CNPMEM. De leur côté, les organisations Greenpeace et WWF estiment que la France doit soutenir l'interdiction de commercialiser le thon rouge, dont les stocks ont fondu de plus des deux tiers en 50 ans, pour entraîner le reste de l'Europe. Notons que l'arsenal de l'Union européenne (UE) entre en application peu après l'adoption par la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le 25 novembre 2009, d'un traité visant à prohiber l'accès des ports de pêche aux navires pratiquant ces activités. S'il ne sera effectif qu'après ratification par vingt-cinq Etats, son adoption est un signal politique important. L'activité comporte de multiples facettes, de l'infraction à la réglementation (dépassement de quotas, utilisation de techniques de pêche interdites, pêche en dehors de la saison ou de la zone autorisée, etc.), au pillage pur et simple, pratiqué par des bateaux sans licence. Toutes contribuent largement à la surpêche dans le monde : plus de 80 % des stocks de poissons sont exploités au maximum ou surexploités, selon la FAO. Certains navires emploient des techniques particulièrement destructrices : raclage des fonds marins, rejets massifs en mer de poissons morts jugés non rentables... Et dire qu'au Japon, pas plus loin qu'avant-hier, un thon rouge a été vendu pour la somme exorbitante de 122.000 euros au marché aux poissons de Tokyo, alors que les pressions internationales se renforcent pour limiter la pêche de cette espèce menacée.