La crise a fortement affecté le commerce mondial mais ne remet pas en cause le processus de mondialisation, même si la vigilance reste de mise face à la tentation du protectionnisme, a déclaré lundi le directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Pascal Lamy a néanmoins estimé que la "pulsion protectionniste" qui a accompagné la crise va se poursuivre car elle est liée à la dégradation du marché de l'emploi. Pour contrer cette "pulsion", il a appelé à conclure cette année le cycle de Doha de libéralisation des échanges. "Dans l'ensemble, à ce stade, le système a tenu", a estimé Pascal Lamy lors d'un colloque organisé par l'assureur-crédit Coface sur les "risques pays", en 2010. "La pulsion protectionniste, la demande protectionniste (...) est évidemment fortement corrélée à la situation du marché de l'emploi et nous savons que dans les mois, et même peut-être dans l'année ou les deux années qui viennent, la situation du marché de l'emploi va continuer à se détériorer", a-t-il expliqué. "Il faut rester extrêmement vigilant (...) Nous devons continuer à résister à cette tendance protectionniste", a-t-il ajouté, estimant que "le plus concret, le plus immédiat, ce serait de finir cette négociation de Doha". Selon le directeur général de l'OMC, "80% du travail est fait" et une conclusion en 2010 est "techniquement parfaitement possible", "reste à savoir si on donne le coup d'épaule final". Fin 2009, Pascal Lamy a demandé aux membres de l'OMC de décider en mars si une conclusion du cycle de Doha est à leurs yeux "faisable" ou non en 2010. Les grandes puissances économiques membres de l'organisation se sont engagées cette année à conclure en 2010 le laborieux cycle de négociations entamé dans la capitale du Qatar en 2001 et qui doit aboutir à une grande libéralisation du commerce mondial. Estimant que la "demande de protection" était "légitime" en temps de crise, Pascal Lamy a assuré que "le protectionnisme ne protège pas". Le Français a d'ailleurs estimé que le commerce international retrouverait "son dynamisme, mais avec une certaine décélération". Il a aussi prédit un "découplage dans la reprise" entre pays riches et pays émergents, tous touchés de plein fouet par la crise. "Le rebond du commerce international est beaucoup plus net du côté des pays émergents depuis quelques mois", a-t-il rappelé. Pour le directeur général de l'OMC, la reprise reste néanmoins "fragile" et son "contenu en emplois est probablement en train de changer dans le mauvais sens". "Nous avons aussi cette énorme bulle d'endettement", a-t-il mis en garde, "il faudra les payer et les résorber (les dettes)". Au plus fort de la crise, début 2009, le commerce mondial s'était effondré de 30% en valeur et de 20% en volume, a-t-il rappelé lors d'un colloque organisé par l'assureur-crédit Coface à Paris. Au final, la baisse sur l'ensemble de 2009 devrait être de 10% en volume. "Notre hypothèse n'est pas une hypothèse de déglobalisation, la crise n'a pas provoqué de changement notable des opinions publiques à l'égard de la globalisation même si cette moyenne est faite d'opinions plus nuancées dans les pays riches et d'un enthousiasme sans cesse croissant dans les pays émergents", a souligné Pascal Lamy. "Le commerce international va retrouver son dynamisme mais avec une certaine décélération", a-t-il prédit. Le patron français de l'OMC a mis en garde contre la tentation de fermer les frontières et l'excès de zèle des régulateurs financiers. "En gros, la discipline de l'OMC a été acceptée et en cela elle a joué son rôle de police d'assurance contre le protectionnisme", a-t-il dit. "Le système a tenu mais la pulsion protectionniste est (...) fortement corrélée à la situation du marché de l'emploi et nous savons que dans les mois ou peut-être les deux années qui viennent la situation sur le marché de l'emploi va continuer à se détériorer et donc la pression va demeurer". "Nous savons désormais que le protectionnisme ne protège pas, contrairement à ce que son nom pourrait indiquer ou inspirer à tel ou tel leader politique", a-t-il assuré. La conclusion d'un accord aux négociations commerciales de Doha constituerait un acte fort pour résister à la tendance protectionniste, a poursuivi Pascal Lamy. Le cycle de Doha, entamé en décembre 2001 dans la capitale du Qatar pour libéraliser et développer les échanges commerciaux, s'est depuis enlisé sur fond de conflit entre pays riches et pays en développement. "80% du travail est fait, reste à savoir si on donne le coup d'épaule final", a affirmé Pascal Lamy. Devant le parterre d'exportateurs, il a aussi fustigé les régulateurs et superviseurs financiers du comité de Bâle en formant le voeu qu'ils "arrivent à faire la différence entre une lettre de crédit et un dérivé de crédit", le premier étant un outil de financement quand le second est un produit financier traité sur les marchés. "Il faut trouver le bon équilibre en matière de régulation financière", a-t-il plaidé.