Jadis célèbre pour sa production d'agrumes, la Mitidja fait face à la cherté de ses oranges. L'exemple le plus édifiant reste celui de Boufarik. Surnommée " ville des oranges ", Boufarik est aujourd'hui marquée par la cherté des agrumes sur les marchés. Ainsi, l'orange est devenue inaccessible pour les modestes bourses. Au cours de ces dix dernières années, les prix des agrumes ont atteint lentement mais sûrement des pics renversants avec la Navel à plus de 120 DA aujourd'hui, alors que la Clémentine est à plus de 150 DA, au moment où la production est "dans un état critique", pensent des experts en agrumiculture. Dans la mythique "Ville des oranges", en plein cœur de la fertile plaine de la Mitidja qui s'étend d'El-Affroun à l'ouest jusqu'aux piémonts des confins de l'Atlas blidéen, à l'Est, vers Réghaia, l'orange vend dorénavant chèrement sa peau: les prix oscillent en moyenne entre 80 et 150 DA le kilogramme pour les trois grandes variétés précoces, la Thomson, la Navel et la Washington. Même si le calibre est meilleur qu'avant, "les prix sont élevés, trop élevés pour qu'on puisse se permettre chaque jour plus d'un kilogramme d'oranges", se plaint un père de famille trouvé au vieux marché "Souika" à Blida. Pourtant, selon la direction des services agricoles de la wilaya de Blida (DSA), la superficie totale de l'arboriculture fruitière dans la wilaya a augmenté, quoique modestement. L'agrumiculture, dont les orangeraies, y occupe 54% avec une superficie de 16.970 ha dont 14.520 ha en production. A elle seule, la wilaya de Blida assure 37% de la production nationale d'oranges. Pour autant, si la production de l'année dernière a été bonne, selon un responsable de la DSA de Blida, en 2010 elle a chuté et devrait être moyenne, ce qui explique les faibles quantités des variétés précoces mises sur le marché. La production de la campagne 2008-2009 a atteint 2,6 millions de quintaux, dépassant ainsi les contrats de performance du ministère de l'Agriculture avec 115%, souligne-t-on à la DSA de Blida. Les variétés les plus produites sont les navels qui représentent plus de 50% des vergers, puis viennent les clémentines et les mandarines avec 20%. Par contre la production des citronniers et des variétés tardives reste faible. Mais "pour 2010, il y a une nette diminution des rendements", tempère la même source, précisant que "pour l'instant 30% de la production des variétés précoces ont été récoltés"."La hausse des prix actuelle des oranges s'explique par les mauvaises conditions météo en mars-avril derniers qui ont provoqué une chute des rendements", explique le professeur Boutekrabt, un expert en agrumiculture selon lequel il y a "d'autres paramètres" qui influent indirectement sur la tendance haussière, ces dernières années, des prix des agrumes, dont l'orange. "En fait, il y a un ralentissement important de l'extension des surfaces réservées à la production d'oranges durant ces dix dernières années dans la wilaya de Blida", a-t-il fait remarquer. De 20.900 hectares, il y a dix ans, les superficies sont passées à seulement 31.351 hectares à fin 2009. "Il y a également l'effet de l'arrêt du PNDA sur les investissements des agrumiculteurs, les vieux vergers improductifs, l'absence ou le manque d'irrigation et le faible entretien des vergers induit par le système de la vente sur pied", ajoute M. Boutekrabt. "Et puis la subvention de 70 DA/hectare pour l'arrachage des vieux vergers et leur remplacement par de jeunes plants est très faible et n'est pas incitative pour les propriétaires de vergers qui ne peuvent investir plus pour la plantation de jeunes plants productifs", ajoute t-il. A l'institut technique de l'arboriculture fruitière et de la vigne de Blida (ITAF), on estime que le système actuel de production et de développement des agrumes est à revoir, avec un rendement annuel très faible de seulement 14 tonnes à l'hectare, l'un des plus faibles du bassin méditerranéen. Mais les problèmes risquent d'être plus complexes. Dans la plaine de la Mitidja, il existe une très grande variété d'agrumes, les fameux "citrus", parmi lesquelles plusieurs sont peu connus, certains étant en passe de disparaître des vergers algériens. La plus "inconnue" est sans conteste la "Bergamote", issue d'un croisement entre une orange amère, la bigarade et le citron vert ou lime. Le Pomélo est, à plusieurs degrés, également en passe de disparaître des vergers de la Mitidja. Le citrus paradisi est le fruit d'une hybridation entre le pamplemoussier et l'oranger doux (citrus maxima et citrus sinensis). Son fruit, à l'écorce mince de couleur jaune ou rose est en fait une baie comestible légèrement sucrée composée d'une douzaine de quartiers. Il pousse en grappes, et les Anglais l'appellent "grape-fruit". La Bigarade est le fruit du bigaradier (citrus aurantium). Cet arbre, très commun dans la Mitidja et dans les régions littorales du centre du pays, est surtout utilisé pour ses feuilles qui donnent une excellente tisane pour la digestion, alors que le fruit est utilisé pour la production de confiture. En outre, le bigaradier est l'arbre qui a servi à obtenir à partir d'une greffe avec le mandarinier la fameuse Clémentine, en référence au Père Clément, auteur de l'opération au début du siècle dernier dans la plaine d'Ain Témouchent, dans le Nord-Ouest algérien. Le Cédrat (citrus medica L.), est, quant à lui, encore présent sur les étals du marché couvert de Blida, mais en très petites quantités. Ancêtre du citron, le cédrat est un gros fruit ovale parfois verruqueux qui peut mesurer jusqu'à 25 cm de long et peser 4 kg. Sa chair verte ou jaune est peu juteuse, le parfum de son zeste est très agréable. Le fruit du cédratier a la forme d'un melon, allongé, mais a l'aspect d'un gigantesque citron. Il est commercialisé au marché couvert de Blida autour de 250 à 300 DA/kg. Le Kumquat, appelé dans le centre du pays "petite orange" (Tchouina), fait partie des agrumes du genre Fortunella. De la famille des rutacées, il provient de Chine et de Malaisie. Très estimé dans la Mitidja, le Kumquat a un peu le calibre et la forme d'un gros raisin, avec une belle couleur orange. Il est vendu entre 70 et 100 DA/kg dans les marchés de Blida, Alger et l'Ouest. Il est utilisé généralement dans la fabrication de confiture. Dans la plaine de la Mitidja, ces variétés du genre citrus restent en fait de vrais reliques qui renseignent sur la richesse du verger agrumicole de cette région d'où ont été prélevés, durant la période coloniale, plusieurs milliers de plants de cédrat, pomelo, kumquat, ou bergamote pour être replantés ailleurs en Méditerranée. "Ce sont là d'authentiques variétés du terroir qu'il faut préserver contre la disparition et l'oubli, deux risques déjà bien présents", préconise un responsable de la direction des services agricoles de Blida.