Rendu obsolète par l'évolution tant sociale que technologique, le métier du crieur annonceur appelé localement Berrah qui parcourt “à gages” souks, places publiques et rues pour claironner des nouvelles, n'a plus cours et semble être en “perte de vitesse” dans les villes et villages de la wilaya de M'sila. Les seules conditions requises, jusqu'il y en a peu, pour exercer ce métier étaient d'avoir une voix forte, le verbe facile et de jouir d'une bonne santé physique suffisante pour faire le tour des principales places d'une ville ou d'un village. Les nouvelles à annoncer publiquement pouvaient être aussi bien un décès ou la perte d'une chose de valeur, une naissance ou une fête de mariage. Chaque catégorie d'annonces débutait toutefois par une “attaque ou accroche” spéciale. Ainsi pour dire un décès, il commençait habituellement par “Allah yassamaakoum bel khir” (puisse Allah vous faire entendre quelque chose de bien). Dans le cas d'un mariage, il entamait son annonce par “Allah yafarhkoum oua yafarah el moumnine jami” (puisse Allah vous contenter vous et tous les croyants). Souvent illettré, le Berrah avait toutefois le don de produire un discours dont les parties rimaient bien les unes avec les autres pareillement à un poème. Il savait également exprimer par le choix des mots le rang social des personnes évoquées dans l'annonce. Sans avoir eu à étudier les techniques publicitaires actuellement utilisées par les annonceurs modernes, le Berrah avait le talent de recourir à des formules accrochantes et brèves pour véhiculer son message, se souviennent les plus vieux de la capitale du Hodna. Sous l'occupation, c'était, également, les Berrahs qui étaient chargés par l'administration coloniale d'annoncer la date pour la tenue d'une réunion ou un regroupement de la population. Au lendemain de l'indépendance, ces annonceurs crieurs étaient restés actifs en dépit de l'apparition de la radio. C'est durant cette période que certains Berrahs ont commencé à s'outiller des haut-parleurs qui avaient l'inconvénient d'assourdir les plus proches et les passants. Aujourd'hui, cette activité se limite exclusivement à des cas très rares de pertes de biens ou de quelque objet dans les marchés et souks. Supplanté par les nouveaux supports d'annonces et de communication, les Berrahs ont pratiquement “disparus de la circulation” aussi bien des villes que des campagnes. La communication interindividuelle procédant de bouche à oreille selon la formule “El hadher yebalagh el ghaïb” (que le présent avertisse l'absent) a cédé ainsi le pas devant la communication des mass média “envahisseurs”.