La guerre des gazoducs repart de plus belle à la faveur de la tenue la semaine dernière du sommet énergétique de Budapest. Si certains semble afficher une inclinaison pour le développement du gazoduc européen Nabucco, d'autres pays d'Europe de l'Est estiment que le gazoduc russe South Stream est stratégique tandis que d'autres préfèrent couper la poire en deux et estiment qu'il devient nécessaire de diversifier les approvisionnements de l'Europe. Et c'est dans cette vision justement que s'inscrit l'intervention du premier ministre hongrois Gordon Bajnai qui a proposé de créer un réseau d'approvisionnement en gaz à l'échelle de l'Europe centrale et orientale. Selon le premier ministre, ce réseau pourrait avoir la forme d'un triangle avec les sommets nord, sud et est. "La construction du gazoduc Nabucco doit constituer le pivot du couloir énergétique méridional", a déclaré le chef du gouvernement hongrois. Et de préciser: "Ce gazoduc formera le sommet est du triangle". Son "sommet nord" sera constitué par un terminal destiné à la réception de gaz naturel liquéfié (GNL). Sa construction est actuellement envisagée en Pologne, a poursuivi M.Bajnai. Le "sommet sud" du triangle gazier sera formé par un autre terminal GNL. Il sera implanté sur l'île de Krk en Croatie, a indiqué le chef du gouvernement hongrois. Selon lui, la libre circulation de gaz entre les sommets du triangle pourrait être assurée par un pipeline reliant les pays d'Europe centrale. Il s'agit d'un gazoduc baptisé "couloir énergétique nord-sud". De son côté, le directeur de l'Agence énergétique internationale (IEA) Nobuo Tanaka s'est aligné sur la position de l'Europe occidentale qui veut minimiser l'importance du South Stream au profit du corridor Sud Nabucco et estime que ce dernier parrainé par l'UE serait plus à même d'assurer l'approvisionnement de l'Europe en gaz que son rival russe, le projet South Stream. La construction du gazoduc Nabucco constitue "un moyen plus efficace pour approvisionner en gaz les pays membres de l'Union européenne que la mise en œuvre du pipeline South Stream", a-t-il déclaré mercredi lors d'une conférence de presse à Budapest. Le directeur de l'IEA a toutefois souligné que la sécurité énergétique de l'Europe reposait sur un simple principe: "Plus il y a de gaz, mieux cela est". L'augmentation du nombre de sources d'énergie et la diversification des itinéraires de livraison de gaz renforceront la sécurité énergétique de l'Europe, a-t-il estimé. Dans le même temps, M.Tanaka a émis des réserves au sujet du projet russe. "Le gazoduc South Stream contournera l'Ukraine, ce qui ne manquera pas d'améliorer la sécurité énergétique. Mais ce pipeline acheminera le même gaz russe que les autres conduits dans la région", a-t-il constaté. Et d'ajouter: "Au lieu de construire un nouveau gazoduc, il serait préférable de régler les problèmes ukrainiens". Le projet South Stream est en cours de réalisation par le russe Gazprom, l'italien Eni et le français EDF. Ce gazoduc reliera par le fond de la mer Noire la ville russe de Novorossiisk à la ville bulgare de Varna, avant de se diviser en deux ramifications qui traverseront les Balkans pour aboutir en Italie et en Autriche. Sa capacité est estimée à 63 milliards de m3 de gaz par an. Le projet Nabucco (plus long et plus onéreux) servira à acheminer le gaz naturel de la mer Caspienne vers l'Europe en contournant la Russie. D'une capacité de 31 milliard de m3 de gaz par an, le pipeline passera par l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et l'Autriche. Néanmoins, le premier ministre serbe Mirko Cvetkovic a estimé que la construction du gazoduc South Stream est un projet prioritaire pour la Serbie. "La Serbie attache une importance primordiale au projet South Stream appelé à acheminer des quantités substantielles de gaz naturel vers l'Europe", a affirmé M.Cvetkovic. Selon lui, South Stream est un projet d'importance paneuropéenne qui stimulera les activités économiques et contribuera à mettre en place un réseau énergétique hautement efficace. "Dans le même temps, nous sommes également ouverts à d'autres projets axés sur le renforcement de la sécurité des livraisons énergétiques", a conclu le chef du gouvernement serbe.