Les adversaires démocrates du président Bush ont fait monter la pression jeudi dans l'affaire de procureurs limogés pour raisons, apparemment, partisanes, attisant un scandale qui est l'occasion pour chaque camp d'afficher sa fermeté. Cette affaire prend de plus en plus l'allure d'une guerre de tranchées entre la Maison Blanche et le Congrès, depuis que les présidents des commissions des affaires judiciaires de la Chambre des représentants, puis du Sénat, ont obtenu mercredi et jeudi l'autorisation de lancer des citations à comparaître pour des conseillers de George W. Bush. Or la Maison-Blanche refuse fermement de laisser ses collaborateurs, en particulier l'éminence grise du président Karl Rove et l'ancienne responsable des services juridiques de la présidence Harriet Miers, témoigner en public et sous serment. Le président Bush, accusant ses adversaires de s'embarquer dans "une équipée partisane de tir à vue contre d'honorables serviteurs du public", consent tout juste à laisser ses collaborateurs avoir des entretiens privés au Congrès, sans serment et sans relevé écrit. Le porte-parole présidentiel Tony Snow a exclu d'amender cette proposition "très généreuse et raisonnable", accusant jeudi M. Leahy de vouloir mener "un procès spectacle, visant non pas à obtenir la vérité, mais à gronder des responsables de la Maison-Blanche". Pour les démocrates nouvellement majoritaires au Congrès, cette affaire apparemment mineure - la nomination de procureurs relève du pouvoir exécutif, il est seulement inhabituel qu'ils soient déchargés de leur fonction en l'absence d'alternance du pouvoir - est une occasion rêvée de s'affirmer face à un président qui pendant 6 ans a détenu tous les leviers du pouvoirs. L'affaire porte sur le limogeage ces derniers mois de huit procureurs chargés d'affaires politiquement sensibles. Après avoir invoqué des décisions fondées sur des questions de compétence, l'administration a ensuite révélé que Mme Miers et M. Rove étaient personnellement intervenus, tout comme au moins deux parlementaires républicains. "Au bout d'un moment, on commence à se demander: est-ce que oui ou non le système de la justice est indépendant? Beaucoup de républicains et de démocrates ont mis en cause ce qui se passe, et tout ce que je veux, c'est savoir la vérité", a expliqué jeudi M. Leahy sur la chaîne de télévision NBC. Depuis dix jours, cette affaire, qui a le potentiel de remonter jusqu'à la Cour suprême si la Maison-Blanche refuse de se plier à des citations à comparaître, en vient à éclipser le débat sur l'Irak, difficile à gérer ces jours-ci par des démocrates très divisés. Elle met, manifestement, mal à l'aise plusieurs élus de la majorité républicaine, qui, pour, beaucoup, renoncent à soutenir M. Gonzales et appellent au compromis, mais elle ravit les soutiens les plus durs de la Maison-Blanche. "Pourquoi ne pas partir en guerre contre le Congrès?" interrogeait jeudi le tabloïde New York Post, marqué à droite. "(M. Bush) a le devoir de s'affirmer et de faire le travail pour lequel il a été élu, comme il le juge nécessaire", affirme le quotidien dans un éditorial, avant de rappeler le président à l'ordre: "La guerre est en cours - pas seulement contre les terroristes, mais contre les démocrates". Sans reprendre à son compte cette vision guerrière de la politique, M. Snow a préféré invoquer les grands principes: "Nous voulons préserver le principe selon lequel les gens qui conseillent confidentiellement le président doivent pouvoir le faire sans avoir à rendre des comptes en public", a-t-il dit. Par le passé la présidence Bush a déjà invoqué ce "privilège du pouvoir exécutif" mais n'a jamais eu à le défendre en justice, à la différence de la Maison-Blanche de Bill Clinton, confrontée pendant de longues années à un Congrès contrôlé par ses adversaires républicains.