Si Dick Cheney, le vice-président américain, est éclaboussé par cette affaire, George W. Bush sera considérablement et durablement affaibli. Deux années plus tard, la divulgation de l'identité de Mme Plame à la presse revient au-devant de la scène à l'approche de son dénouement attendu dans les prochains jours. Si des inculpations sont prononcées, elles pourraient viser au plus haut. Outre Karl Rove, le stratège politique de Bush, Dick Cheney, son adjoint pourrait également être inculpé ou du moins être éclaboussé en raison de l'implication directe de son directeur de cabinet, Lewis Libby. Il est utile de rappeler que Karl Rove a été formellement identifié comme sa source par le journaliste de Time Magazine, Matthew Cooper, et avait été obligé de témoigner à quatre reprises devant la chambre d'accusation, notamment une séance de plus de quatre heures, le 14 octobre. Quant au chef de cabinet de Dick Cheney, il était une source de la journaliste Judith Miller, qui a passé 85 jours en prison cet été pour ne pas révéler ce secret. Cette révélation a fait les choux gras de la presse américaine, ces derniers jours, qui ne manque pas d'amplifier les rumeurs sur l'action de M. Cheney lui-même, le plus vigoureux avocat de la guerre en Irak dans l'administration Bush. Ces rumeurs se rapprochent des allégations plus anciennes selon lesquelles M. Cheney et ses conseillers avaient fait pression sur les services de renseignements pour qu'ils privilégient avant la guerre la thèse des armes de destruction massive irakiennes, toujours introuvables deux ans et demi après la chute de Saddam Hussein. Le patron de la Maison-Blanche et le vice-président américain ont été entendus par le procureur, sans toutefois prêter serment. C'est dire l'ampleur que prend cette affaire relative à la divulgation de l'identité de l'agent secret de la CIA, Mme Plame, qui est la femme d'un critique de la guerre en Irak, l'ex-ambassadeur Joseph Wilson, qui avait remis en cause les justifications de l'invasion de 2003. Révéler le nom d'un agent secret est un crime fédéral selon la loi américaine. Les promesses de George Bush de limoger le responsable de la fuite n'ont pas convaincu grand monde à Washington. A ce jour, l'administration Bush s'est gardée de commenter cette affaire. Cependant, la popularité du président ne cesse de baisser. Elle est à son plus bas niveau, alors que la désignation de son avocate Harriet Miers à la Cour suprême a eu pour effet de provoquer une scission avec la droite religieuse. Le plus précieux allié de Bush au Congrès Tom DeLay est en liberté sous caution pour une affaire de financement électoral. Intervenant au sujet de cette affaire, Bush dira : “Il y a du bruit de fond, beaucoup de bavardages et de spéculations.” Selon Katy Harriger, professeur de sciences politiques à l'université Wake-Forest en Caroline du Nord, et spécialiste des scandales présidentiels, “le fait que les gens qui témoignent devant la chambre d'accusation parlent beaucoup plus qu'avant indique qu'ils pensent qu'il va se passer quelque chose”. Elle estime que la multiplication de ces difficultés ne peut que renforcer l'impact de l'affaire Plame. “S'il y a des inculpations, l'affaire peut affaiblir durablement M. Bush, parce qu'il est déjà affaibli”, a-t-elle indiqué. K. ABDELKAMEL