L'inculpation du bras droit de Dick Cheney, le vice-président US, dans l'affaire de CIA-Gate met au goût du jour les manipulations qui ont entouré la décision de George Bush d'envahir l'Irak. Les accusations d'organisations de fuites médiatiques dans le but de faire taire les critiques contre le déclenchement de la guerre en Irak prennent maintenant la forme d'un véritable scandale politique avec l'inculpation de Lewis Libby, le directeur de cabinet de Dick Cheney, le vice-président des Etats-Unis. Patrick Fitzgerald, le procureur chargé du dossier depuis deux années, a formellement prononcé cinq chefs d'inculpation au bras droit du numéro deux de l'Administration Bush. Il est accusé de faux témoignages, parjure et obstruction à la justice. Il risque jusqu'à trente ans de prison et une forte amende lorsqu'il sera déféré devant une cour de justice pour répondre de ces accusations. L'implication de Lewis Libby fait monter la pression sur son patron Dick Cheney. Selon le New York Times, les notes du directeur de cabinet laissent entendre que c'est en effet par le vice-président Dick Cheney qu'il a appris que Valérie Plame travaillait pour la CIA. Le vice-président, véritable président-bis, l'aurait appris du patron de la CIA d'alors, George Tenet. L'on se rappelle que la décision finale de lancer l'invasion de l'Irak a été annoncée par George Bush à l'issue de son ultime tête-à-tête avec son vice-président, après la réunion du Conseil national de sécurité dont les membres étaient très partagés sur le dossier. La suite de l'enquête pourrait s'avérer encore plus catastrophique pour George Bush, si le secrétaire général adjoint de la Maison-Blanche, Karl Rove, qui est également son principal conseiller, est inculpé. Si aucune inculpation n'a été prononcées contre lui vendredi, il n'est pas à l'abri d'éventuelles poursuites à l'avenir. Pour rappel, il a été cité par un journaliste comme une source sur l'identité de Valérie Plame, alors qu'il est illégal de démasquer un agent secret aux Etats-Unis. Cette dernière est l'épouse d'un ancien ambassadeur, Joseph Wilson, qui s'était publiquement interrogé à l'été 2003 sur de “faux prétextes” avancés par l'Administration républicaine de George W. Bush pour entrer en guerre contre l'Irak. M. Wilson affirme que la Maison-Blanche a voulu le discréditer en laissant entendre qu'il n'avait dû qu'à sa femme, spécialiste des armes de destruction massive à la CIA, l'obtention en 2002 d'une mission d'enquête au Niger sur l'existence d'un éventuel trafic nucléaire avec l'Irak. M. Wilson avait conclu qu'un tel trafic n'existait pas, et il estime que la Maison-Blanche a délibérément exagéré la menace de l'arsenal de Saddam Hussein. Le procureur a interrogé de nombreux collaborateurs de l'Administration Bush, ainsi que des journalistes qu'il a contraints de livrer leurs sources. Il a été jusqu'à envoyer en prison la journaliste du New York Times Judith Miller. Détenue pendant 85 jours, cette dernière a fini par témoigner sur ses conversations avec M. Libby. jeudi passé. S'emparant de cette affaire, qui remet le bien-fondé de la guerre en Irak à l'impopularité grandissante aux Etats-unis, l'opposition démocrate somme le locataire du bureau ovale de s'expliquer. “Il ne s'agit pas tant de Karl Rove ou de Scooter Libby, mais du fait que le président ne nous a pas dit la vérité quand nous sommes allés en Irak, et que tous ces types sont mêlés à ça”, a récemment déclaré le premier responsable du parti démocrate, Howard Dean. George Bush est accusé d'avoir volontairement manipulé des renseignements des services secrets pour justifier sa décision d'attaquer militairement l'Irak en mars 2003. Il faut attendre la suite de l'enquête pour mesurer l'ampleur des dégâts qui pourraient en découler pour l'administration Bush. K. ABDELAKMEL