La coalition du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki arrive en tête des législatives du 7 mars dernier dans sept des 18 provinces irakiennes, soit deux de plus que la principale formation rivale du chef du gouvernement, selon un décompte partiel des suffrages rendu public dimanche. La coalition Etat de droit de Nouri al-Maliki mène dans sept provinces, renforçant ainsi les chances du Premier ministre de conserver son poste. Ce dernier ne devrait cependant pas obtenir la majorité l'autorisant à gouverner seul. Le Bloc irakien (ou Iraqiya) d'Ayad Allawi (laïque), son plus proche adversaire, pointe pour sa part à la première place dans cinq provinces. L'Alliance nationale irakienne (ANI, chiite), qui rassemble le mouvement de l'imam extrémiste Moqtada al-Sadr et le Conseil suprême islamique irakien (CSII) pro-Téhéran, arrive en tête dans trois provinces. Enfin, l'Alliance kurde remporterait trois provinces. Dans chaque province, seuls 10 à 67% des bureaux de vote ont achevé le dépouillement des bulletins. Nouri al-Maliki a déjà entamé des négociations avec d'autres mouvements politiques afin de former le futur gouvernement irakien. Mais le tableau pourrait offrir une autre physionomie dans plusieurs semaines, une fois le décompte global achevé. L'issue de ces élections, les premières législatives organisées en Irak depuis celles, sanglantes, de 2005, façonnera l'avenir du pays que les troupes américaines se préparent à évacuer d'ici à 2012. L'Onu a jugé le déroulement du vote équitable et pressé toutes les parties d'accepter les résultats préliminaires, mais des responsables politiques irakiens ont reproché à la Haute Commission électorale indépendante (HCEI) la lenteur du dépouillement et de la divulgation des résultats. Des accusations de fraudes ajoutent à l'incertitude ambiante. Dans un discours au Conseil de la sécurité nationale, retransmis par la télévision, Maliki a reconnu qu'il y avait eu quelques problèmes, ajoutant qu'aucun scrutin ne se fait avec "zéro violation". "Il y a eu de la manipulation, mais cela ne change pas les résultats", a-t-il dit. Irakia a dressé une longue liste de griefs, affirmant que des bulletins de vote avaient été retrouvés dans un dépôt d'ordures et que plus de 200.000 soldats n'avaient pas pu voter parce que leurs noms étaient absents des listes officielles. "Avec chaque journée qui passe sans résultats, le soupçon et la peur augmentent de 100%", commente Djamal al Batikh, candidat d'Irakia. "Les résultats auraient dû être diffusés dans un délai de quelques heures, mais certains cherchent à les modifier." Dès avant le scrutin, marqué par un taux de participation honorable de 62%, les observateurs prédisaient qu'aucune des grandes alliances n'obtiendrait de majorité décisive et que de longues et laborieuses tractations seraient indispensables pour mettre sur pied une coalition gouvernementale. Allaoui et l'Ani ont tenu des consultations avec la minorité kurde, qui pourrait jouer un rôle d'arbitre, et des dirigeants arabes dépassent les clivages politiques habituels pour envisager des alliances éventuelles. S'il est trop tôt pour savoir qui fera partie de la future coalition gouvernementale, un bon score du mouvement de Maliki limiterait sans doute les revendications de ses rivaux qui espéraient l'empêcher d'exercer un second mandat. Abdul Hadi al Hasani, l'un des principaux responsables de l'Etat de droit, a dit que son mouvement étudiait une alliance avec les Kurdes et avec l'Ani, en précisant qu'aucune de ces parties n'excluait de s'allier avec Allaoui. Le politologue Yahya al Koubaisy, chercheur à l'Institut d'études stratégiques, avertit qu'un gouvernement dont serait exclu Irakia risquerait de s'aliéner encore plus les sunnites. "Si cela se produit, il faut s'attendre à un retour de la violence en Irak", dit-il. Une coalition intégrant les deux principaux mouvements kurdes, dirigés respectivement par le président irakien Djalal Talabani et le Premier ministre de la région autonome Massoud Barzani, obtiendrait sans doute des concessions sur le centre pétrolier très convoité de Kirkouk, que chacun d'eux revendique. La présidence pourrait aussi constituer un enjeu de négociation. Les Kurdes ont réagi avec colère aux propos de certains dirigeants arabes, dont le vice-président sunnite Tarek Hachemi, selon lesquels le prochain président de l'Irak devait être un Arabe. Ils ont avancé pour leur part le nom de Talabani, homme d'Etat expérimenté qui est peut-être aussi le dirigeant kurde le plus largement accepté.