Cinq jours après des élections législatives cruciales pour l'avenir de l'Irak, les résultats continuent à tomber au compte-gouttes et les premiers chiffres sont déjà contestés, bien que l'Onu ait jugé "honnête" le déroulement du vote de dimanche. La commission électorale a laissé filtré jeudi des résultats préliminaires donnant l'Alliance du Premier ministre chiite sortant Nouri al Maliki en tête de deux provinces du Sud et celle, laïque, de son prédécesseur, rival et coreligionnaire Iyad Allaoui en première place dans deux autres provinces au nord de Bagdad. Ces résultats encore partiels rendus publics par la Haute commission électorale indépendante portaient sur cinq des 18 provinces du pays. Selon ces premières estimations après le scrutin historique de dimanche dernier, la Coalition pour un Etat de droit, menée par al-Maliki l'emporterait dans la province de Babil par 14.000 voix d'avance et 7.000 à Najaf, avec seulement un tiers des voix comptées. La liste chiite religieuse Alliance nationale irakienne (ANI, réunissant les partisans de l'imam extrémiste Moqtada al-Sadr et le parti chiite religieux Conseil suprême islamique irakien/CSII), qui avait compté sur des gros scores dans ces deux provinces, arrivait en deuxième position. La liste de l'ancien Premier ministre Ayad Allawi, principal rival laïc du chef du gouvernement sortant, est donnée en tête dans deux anciens bastions des insurgés, Diyala et Salahuddine, au nord de Bagdad, semblant avoir réussi à rassembler nombre de voix sunnites. Mais seuls 17% des bulletins y avaient été dépouillés jeudi soir. Enfin dans une cinquième province, celle d'Irbil, dans le Kurdistan irakien autonome du nord du pays, l'alliance entre les deux partis kurdes historiques, était en tête devant le nouveau venu, le parti Gorran. Mais, en attendant le dépouillement de 30% des bulletins dans la totalité des 18 provinces, il est prématuré de spéculer sur l'issue nationale du scrutin, d'autant qu'on ignore encore les résultats dans l'agglomération ethniquement et religieusement mixte de Bagdad, qui compte plus de six millions d'habitants. Seule quasi-certitude, qui n'est pas une véritable surprise, l'alliance des deux principaux mouvements nationalistes kurdes, dirigés respectivement par le président irakien Djalal Talabani et le Premier ministre de la région autonome Massoud Barzani, devance sans surprise dans le Nord le bloc réformiste Changement. Bien que l'Onu ait qualifié le déroulement du vote du 7 mars d'"honnête" et ait pressé toutes les parties d'accepter les résultats préliminaires, la lenteur du dépouillement et les accusations de "fraudes massives" formulées par l'alliance Irakia d'Allaoui ajoutent aux incertitudes sur l'avenir immédiat de l'Irak. Dès avant le scrutin, marqué par un taux de participation honorable de 62%, les observateurs prédisaient qu'aucune des grandes alliances n'obtiendrait au parlement une majorité décisive et que de longues et laborieuses tractations seraient indispensables pour mettre sur pied une coalition. L'alliance Irakia d'Allaoui, où figurent des personnalités sunnites en vue, dont le vice-président Tarek al Hachemi, a dénoncé des fraudes "massives". "Nous avons recensé des dizaines d'infractions", a assuré jeudi Adnane al Djanabi, un des leaders d'Irakia, faisant aussi état d'ingérences des autorités. Hamdia al Husseini, un des responsables de la commission électorale indépendante, a récusé ces allégations du camp Allaoui, qui a fait état notamment de la découverte de bulletins dans un dépôt d'ordures et de l'absence des noms de 200.000 soldats sur les listes électorales. "Le processus de décompte et de tri des bulletins se déroule bien, en présence d'observateurs des partis politiques et sous supervision électorale", a déclaré Husseini, qui a annoncé pour ce vendredi de nouveaux résultats partiels dans trois provinces. De source proche de l'Onu, on admet que le dépouillement prend plus de temps que prévu mais on dit comprendre les difficultés rencontrées par les membres de la commission électorale pour tenir compte du système complexe mis en place pour éviter les fraudes.