La création d'emplois des dix dernières années a aidé le Canada à rattraper un peu de son retard économique par rapport aux États-Unis. L'écart restant ne sera toutefois pas comblé sans que des gains importants soient désormais réalisés au chapitre de la productivité, montre une étude. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant au Canada représentait 82,3 % de celui des États-Unis en 1994, et est même tombé aussi bas que 81 % en 1998. Cette proportion avait augmenté à 84,3 % en 2005 et a même atteint 85,6 % en 2002, rapporte une étude de Statistique Canada dévoilée hier. Ce rattrapage de l'économie canadienne par rapport à son principal partenaire commercial est attribuable à l'amélioration de son marché de l'emploi. Du milieu à la fin des années 90, le ratio du nombre total d'emplois par rapport à la population âgée de 15 ans et plus au Canada tournait encore autour de 90 % de celui observé aux États-Unis. L'écart a par la suite, sans cesse rétréci, au point d'avoir presque complètement disparu en 2005 alors que cette proportion atteignait les 97 %. Ces gains réalisés par le Canada grâce à la forte baisse de son taux de chômage ont toutefois été annulés en partie par la faiblesse de sa productivité. La vigueur de la croissance d'une économie tient en effet à deux facteurs, rappelle l'agence fédérale: le nombre total d'heures travaillées et la valeur produite durant ces heures de travail. Or, si le retard économique du Canada sur les États-Unis était attribuable en 1995 aux deux tiers au nombre total d'heures travaillées, et pour un tiers seulement à la plus faible productivité de ce travail, ces proportions se sont depuis inversées, la différence de productivité étant désormais responsable des deux tiers du retard accusé par le Canada sur les États-Unis. La productivité au Canada était ainsi évaluée à 92,6 % de celle des États-Unis en 1995. Elle grimpera à 94,1 % en 2000 avant de se mettre à perdre du terrain de nouveau et de chuter à 89 % en 2005. Il y a différentes raisons à ce retard grandissant, a noté hier en entrevue au Devoir l'auteur de l'étude de 56 pages, Jean-Pierre Maynard. Les experts ont souvent expliqué que la faiblesse du dollar canadien a longtemps rendu les choses tellement faciles aux entreprises canadiennes, aussi bien en matière d'exportation que par rapport à la concurrence des importations étrangères, qu'elles ont oublié d'investir dans la modernisation de leurs moyens de production afin d'améliorer leur productivité. Le réveil a été brutal lorsque le huard s'est mis à prendre rapidement de l'altitude en 2003, particulièrement dans les secteurs du vêtement, du bois ou du meuble. La concurrence grandissante des économies émergentes n'allait pas simplifier la tâche des entreprises canadiennes, note Jean-Pierre Maynard. Il n'est pas facile, en effet, de passer dans le prix de ses produits les coûts de modernisation de ses moyens de production lorsque l'on doit battre les prix chinois ou indiens. Le boom du secteur énergétique a, sans doute, également eu pour effet de tirer un peu vers le bas la productivité canadienne ces dernières années, note l'économiste. L'exploitation des sables bitumineux coûte, en effet, beaucoup plus cher en ressources financières, matérielles et humaines que celle d'un puits de pétrole ordinaire. L'étude de Statistique Canada s'arrête en 2005. Il faut habituellement quelques années avant que des investissements dans la modernisation des moyens de production se traduisent en gain de productivité. On saura plus tard si les entreprises canadiennes ont su tirer les bonnes leçons.