Les Algériens célèbrent, aujourd'hui, le 65e anniversaire des dramatiques événements du 8 mai 45. " Un peuple célébrait la victoire sur le nazisme, un autre payait dans le sang le courage de son engagement ". Ces événements ont plongé dans le cauchemar tout un peuple au moment où d'autres peuples célébraient leur victoire sur le nazisme. Il en est ainsi de la France officielle qui fête aujourd'hui le 65e anniversaire de la victoire des alliés sur le nazisme. Ce 8 mai 45, les militants nationalistes qui organisent à Sétif, Kherrata et Guelma les défilés de la victoire contre le nazisme ne sont pas dans une logique insurrectionnelle, c'est là l'avis de tous les historiens. Ils n'en ont ni l'intention, ni les moyens. " Ils ont par contre en échos, les déclarations du Général De Gaule à Brazzaville : '' En Afrique française… comme dans tous les autres territoires où des hommes, sur leur terre natale, n'en profitaient pas, moralement et matériellement, s'ils ne pouvaient s'élever peu à peu jusqu'au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C'est le devoir de la France de faire en sorte qu'il en soit ainsi''. Les nationalistes ont également en mémoire la conférence de San Francisco qui vient de s'ouvrir, et dont les déclarations alliées réaffirment le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En mêlant les premiers drapeaux algériens à ceux des nations victorieuses, les manifestants pensent que ce 8 mai annonce l'ouverture d'une nouvelle ère : celle de la liberté. Ils rencontreront pour solde de tout compte, les mitrailleuses. De toutes les conclusions des témoignages des manifestants présents sur les lieux et de nombreux écrits sur ces pages douloureuses, il est établi que c'est la police qui la première ouvrit le feu contre les manifestants à Sétif, à hauteur du café de France. Et ce dont les historiques sont sûrs aujourd'hui, la répression à l'encontre de la population algérienne fut féroce. Elle entérina la rupture avec la France, rupture qui trouvera son prolongement le Premier novembre 54, début de la Guerre d'Algérie. Des tueries inexcusables, l'histoire humaine en est pavée. L'épopée coloniale, par la personnalité même de la majorité des individus que les Etats mandataient, n'est qu'une succession de tragédies pour les peuples colonisés ; et de sacrifices pour les rares représentants sincères de la civilisation des Lumières qui se lançaient dans l'aventure par grandeur d'âme et portés vers de naïves illusions. Beaucoup parmi ces témoins portent encore les souvenirs de scènes insoutenables de massacres, de torture et d'autres horreurs perpétrés ce jour-là et les semaines qui ont suivi. Les témoignages évoquent 11 endroits de la wilaya de Guelma qui furent le théâtre de ces horreurs, notamment au centre-ville, à Héliopolis, à Belkheir, à Boumahra, à Oued ch'hem et surtout au "crématoire" de Marcel Lavie, le mal nommé. Dans le four à chaux situé à cet endroit, furent enfournés des cadavres de victimes par camions entiers afin de faire disparaître leur trace aux yeux d'une commission internationale d'enquête dépêchée sur les lieux quelques jours après ces événements de triste mémoire. Non loin de ce four, se trouve Kef El Boumba, lieu où furent "rassemblés et massacrés des convois entiers de prisonniers", se souvient Aïcha Djamaoui, âgée de 23 ans à l'époque des faits. Le premier convoi de prisonniers exécutés à cet endroit comptait 50 personnes parmi lesquels figuraient Mohamed Tebbani et Hamid Djamaoui, frère aîné de Aïcha. Celle-ci dit s'être rendue sur les lieux, au lendemain de l'exécution de son frère et qu'elle y a vu "des dizaines de cadavres amoncelés les uns sur les autres", le maire d'Héliopolis ayant refusé de les enterrer ou de laisser leur familles le faire. C'est dans la caserne située au centre de Guelma que furent commis les premières véritables exactions meurtrières de la police coloniale dans une opération de liquidation collective des activistes du mouvement national. C'était le 11 mai 1945, lorsque furent exécutées, froidement et ensemble, neuf personnes ayant pris part aux manifestations du 8 mai. Une correspondance émanant du chef de la compagnie mobile, le commandant Buisson, datée du 23 mai 1945 et expédiée au directeur général de la sécurité à Alger informait, en effet, ce dernier que l'exécution des manifestants s'est faite "par balles". La liste communiquée comprenait les noms de Mabrouk Ouartsi, Smaïl Abdou et son frère Ali, Messaoud Chorfi, Abdelkrim Bensouileh, Abdelhamid Douaria, Mohamed Belarouk et Mohamed Oumerzoug. Tous les militants de la cause algérienne seront arrêtés en quelques heures sur tout le territoire. Un millier de condamnations, ont une certaine à mort. Plus de 45 000 morts. Il est à rappeler dans ce contexte que le président de la République, M. Abdelaziz Boutèflika, n'a de cesse de rappeler l'importance historique que revêt la date du 8 mai 45 : "Elle porte un témoignage accablant sur la nature du colonialisme, sa brutalité, son inhumanité, sa barbarie pour tout dire," soit que les milliers de victimes qui sont tombées durant ces massacres ne sont pas tombées en vain, puisqu'elles ont contribué à faire connaître au monde entier l'aspiration du peuple algérien à sa liberté, à son indépendance et à sa dignité. Ce fut une étape cruciale dans le renforcement et l'unification du mouvement national, préparant ainsi la lutte armée lancée le 1er novembre 54. Les amabilités diplomatiques émises de temps à autres de l'autre côté de la Méditerranée, sont loin de répondre à la soif des Algériens de voir l'ancien occupant se repentir et reconnaître ses méfaits sur le peuple algérien. En prenant acte de cette demande de repentance, l'Etat algérien, est sûr de ses positions. Il y a déni d'histoire et sur la colonisation. Le voile sur le génocide perpétré à l'encontre du peuple algérien doit être levé. La France officielle est une fois de pus interpellée à reconnaître son passé colonial pour bien bâtir l'avenir méditerranéen.