Les Bourses européennes et l'euro rechutaient mardi, les investisseurs cherchant à réduire leur exposition aux risques que représentent à leurs yeux les problèmes de dette de la zone euro, les difficultés de certaines banques de la région et la multiplication des plans d'austérité. Après la Grèce, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni, l'Italie devait présenter en fin de journée un plan de réduction de son déficit d'environ 26 milliards d'euros sur deux ans. A la mi-journée, l'indice boursier paneuropéen FTSEurofirst 300 cédait 2,54% après être tombé au plus bas depuis le 20 août dernier. Au même moment, le CAC 40 à Paris perdait 3,2%, testant les 3.300 points et les Bourses de Londres et Francfort abandonnaient autour de 2,5%. Les valeurs bancaires figuraient une nouvelle fois parmi les plus touchées, avec un recul de 4,3%. Le mouvement est loin d'être cantonné à l'Europe : la Bourse de Tokyo a fini en baisse de 3,06%, au plus bas depuis décembre 2009 et les contrats à terme annoncent un repli de plus de 2% à Wall Street. C'est la mise sous tutelle par la banque centrale espagnole ce week-end de CajaSur, une petite caisse d'épargne espagnole en difficulté, qui a ravivé les tensions. Ce cas particulier représente un impact financier potentiel limité mais il cristallise les inquiétudes liées aux difficultés budgétaires et économiques des pays du sud de l'Europe, qui pourraient affecter de grandes banques de la zone euro, souvent fortement exposées à ces marchés. Autre signe de montée de l'aversion au risque chez les investisseurs: le dollar, considéré comme une valeur refuge dans un tel contexte, s'appréciait de 1,3% face à un panier de six autres grandes devises de référence. L'euro, lui, était une nouvelle fois sanctionné, revenant sous 1,22 dollar et tombant à un nouveau plus bas de huit ans et demi face au yen. Sur le marché obligataire, les emprunts d'Etat allemands, considérés comme les plus sûrs de la zone euro, ont inscrit un nouveau record, leur rendement (qui évolue à l'inverse des cours) à 10 ans tombant à moins de 2,57%. Les conditions de financement des banques se durcissent, les institutions américaines se montrant de plus en plus réticentes à traiter avec des contreparties fortement exposées au marché européen. "C'est un peu comme au moment de l'affaire Lehman. Les banques ne se prêtent plus entre elles, elles échangent très peu de cash. Sur le marché monétaire cash, il ne se passe pas grand chose", explique une responsable d'un courtier interbancaire basé à Paris. Outre les inquiétudes pour le secteur financier, les marchés souffrent de la crainte de voir les plans de rigueur successifs peser sur la croissance et ralentir la reprise économique. Plus généralement, l'économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), Olivier Blanchard, a mis en garde dans un entretien à La Tribune contre une austérité superflue, qui serait contre-productive. "Le risque est en l'occurrence que, sous la pression des marchés, certains pays fassent du zèle dans l'austérité. Ce serait une erreur", a-t-il jugé. "Les marchés se sont longtemps endormis sur le risque budgétaire. Aujourd'hui, ils se réveillent et s'affolent." "Les marchés ont souvent tendance à mettre une série de pays dans le même panier. De fait, les autres pays européens n'ont pas besoin de prendre des mesures aussi draconiennes que la Grèce." La situation dans la péninsule coréenne constitue une source d'inquiétude supplémentaire pour les marchés: la Bourse de Séoul a cédé 2,75% après les informations de presse selon lesquelles la Corée du Nord a placé son armée en état d'alerte après les menaces de représailles de Séoul, qui accuse Pyongyang d'avoir coulé l'un de ses navires. La remontée du dollar américain, qui profite à plein du regain d'aversion au risque des marchés, pénalise le pétrole, également handicapé par les préoccupations liées à la demande. Le baril de brut léger américain, en baisse de plus de deux dollars, est repassé sous 68 dollars. Sur les marché des "credit default swaps" (CDS), le coût d'une garantie contre un risque de défaut du Portugal, de l'Espagne, de la Grèce ou de l'Italie sur leur dette souveraine est à la hausse. Notons que le commissaire européen chargé de l'Economie Olli Rehn a mis en garde mardi contre une stagnation de la croissance, à moins que les Etats ne réforment massivement. Il a prédit que la croissance n'atteindrait pas les 1,5% et que le taux de chômage resterait à son niveaux actuel si aucune réforme n'est entreprise au cours des cinq prochaines années. "Si nous pouvons mettre en oeuvre d'ambitieuses réformes structurelles au cours des cinq prochaines années, nous pouvons atteindre plus de 2% de croissance annuelle au cours de la prochaine décennie. Cela créerait plus de 10 millions d'emplois et ramènerait le chômage à environ 3% d'ici la fin de la décennie", a expliqué Olli Rehn lors d'un discours à Bruxelles.