Alors que l'an dernier, pas un mot sur la date anniversaire de l'écrivain engagé Malek Haddad, cette année, Constantine, sa ville natale s'apprête à lui rendre un vibrant hommage posthume par l'organisation d'un colloque national sur la vie et l'œuvre de l'écrivain disparu il y a 32 ans. Du 1er au 03 juin prochain, le théâtre régional de la ville des ponts donnera rendez-vous, à une pléiade d'intellectuels et d'artistes pour s'exprimer, chacun dans son créneau, sur un homme et une œuvre. Trépassé des suites d'une foudroyante maladie, le 02 juin 1978, l'auteur du " Le Quai aux fleurs ne répond plus" aura cette année ses posthumes hommages. Ecrivain encore peu connu, quoique ses ouvrages soient enseignés dans les universités algériennes de lettres, on se rappelle qu'il y a deux ans et à l'occasion du 30ème anniversaire de son décès, la boite d'édition Média Plus, avait entrepris une action des plus honorables : rééditer trois des ouvrages du défunt à savoir " L'élève et la leçon ", " Je t'offrirai une gazelle ", " Le Quai aux fleurs ne répond plus ". Le contexte dans lequel avait vécu cet écrivain qui a passé la majeure partie de sa vie en France, est celui de la guerre, un moment charnière qui a vu l'émergence de nombreux intellectuels de gauche, comme Boris Vian, Claude Lanzmann, Albert Camus, Sartre, …..Une profusion littéraire donc à cette époque où l'acte d'écriture lui-même était en soi un acte d'engagement. Malek Haddad se trouvait en France autour des années 50, son pays l'Algérie était en guerre, il rencontre un poète et écrivain de gauche, Louis Aragon. Cette rencontre sera décisive pour sa carrière littéraire, ou mieux encore, ses écrits qui sont principalement des actes qui vont dans le sens de la libération des opprimés et de la dénonciation des politiques coloniales en vogue dans les pays d'Afrique. Ces romans traduisent à la fois et le contexte colonial de l'époque, et l'exil intérieur des hommes qui comme Malek Haddad " parlent et écrivent dans la langue de l'ennemi ". Malek Haddad fut l'alter ego de Kateb Yacine avec lequel il a partagé le pain noir dans cet l'exil en Camargue où les deux hommes travaillaient en 1954 comme ouvriers agricoles. Quoiqu'ils furent compères, les deux écrivains avaient des opinions différentes par rapport à la langue française, puisque l'auteur de Nedjma disait que le français était un acquis, mieux, " Un butin de guerre " qui aurait permis à l'algérien de dire sa hantise du colon dans la langue de ce dernier, alors que Malek Haddad était déchiré par le fait d'écrire dans une langue que sa grand-mère ne pouvait lire. Cette question se fait d'autant plus aiguë, lorsqu'il écrit dans " Les zéros tournent en rond " (essai) : " Voilà presque 30 ans ou plus, que de notre première ardoise remise à la correction de notre institutrice, à nos manuscrits remis à nos éditeurs, nous écrivons le français, nous étudions le français et nous diffusons par le truchement de la langue française notre pensée" Mal à l'aise donc, dans cette langue qu'il conçoit sans doute comme une prolifération d'une idéologie colonialiste. Hormis les thèmes actuels de la guerre et de son absurdité, la plupart des œuvres de Malek Haddad traduisent son déchirement entre sa terre natale du Maghreb, et sa terre d'adoption, l'Occident. Comme Driss Chraibi et certains des écrivains créoles, l'auteur de, " Le malheur en danger " (poésie, 1956), est obsédé par cette quête identitaire qui devait, tout comme la négritude, être pleinement assumée. Rejeton d'un instituteur, Malek Haddad qui a eu à faire un bref passage dans la chose didactique est natif de la ville de Constantine. En 1954, il abandonne ses études à la faculté de droit d'Aix-en-Provence, pour travailler en Camargue. Pendant la Guerre de libération, Malek Haddad collabore à plusieurs revues parmi lesquelles "Entretiens", " Progrès ", "Confluents", "Les Lettres françaises". C'est entre 1958 et 1961 que l'écrivain s'adonne pleinement à l'écriture de romans. Juste après l'indépendance, Malek Haddad s'installe à Constantine et collabore à l'hebdomadaire " Atlas " et à la revue " Novembre ", et dirige de 1965 à 1968 la page culturelle d'An Nasr qui paraît alors en langue française. Chargé de la direction de la Culture au ministère de l'Information de 1968 à 1972, il fonde la revue littéraire " Promesses ". Ses livres qui sont un témoignage poignant du contexte colonial de l'époque sont traduits dans quatorze langues.