Les prix du gaz ont inscrit une légère remontée ces dernières semaines, sur les marchés internationaux. Après être descendus en-dessous des 4 dollars le million de BTU à la fin 2009, ceux-ci tournent actuellement autour des 5,1 dollars. Néanmoins on reste loin des prix contractuels qui tournent autour de 11 dollars. Il semblerait aussi, que la demande de gaz européenne a rebondi de 10% en moyenne depuis le début de l'année 2010, après une baisse de 5% en 2009, en raison d'un hiver rude. "Depuis le début de l'année, la croissance du gaz en Europe, c'est 10% en rythme annuel", a déclaré Jean-François Cirelli, vice-président du groupe GDF Suez, , au cours d'un séminaire de presse en Seine-et-Marne, en région parisienne. "Si ça continue comme ça toute l'année, ça veut dire que l'Europe va consommer près de 60 milliards de m3 de gaz en plus que l'année dernière (...), c'est quand même 1,5 fois la consommation française", a-t-il ajouté. "En début d'hiver, la demande en Europe dépassait la moyenne des 5 dernières années. Indéniablement, il y a eu un hiver froid, mais aujourd'hui, même avec l'arrivée du printemps, elle continue à se tenir et à être nettement supérieure aux consommations de 2009", a abondé Edouard Sauvage, directeur approvisionnement gaz de GDF Suez. "Il se passe quelque-chose aujourd'hui qu'il va falloir confirmer", a ajouté Jean-François Cirelli. La consommation de gaz a subi un déclin historique en 2009, du fait de la récession économique, qui a provoqué une surproduction sur le marché mondial. La surproduction mondiale a "beaucoup affecté" GDF Suez, a reconnu M. Cirelli, ajoutant que son groupe cherche à négocier, auprès de ses fournisseurs, notamment russes, "une réduction des volumes et des prix" du gaz. De son côté, Charlotte de Lorgeril Consultante Sénior dans le secteur Energie & Environnement au sein du cabinet Sia Conseil, estime que la "bulle gazière" pourrait durer jusqu'en 2015. Elle estime dans ce sens, que le gaz naturel est le carburant qui a connu le déclin le plus rapide de consommation en 2009. Parallèlement, la production mondiale de gaz affiche également un ralentissement historique, près de 5%. En Russie, la production a reculé de 12,1% et au Turkménistan de 50%. En même temps, depuis quelques mois, le fossé entre les prix du marché libre, dit prix spot, du pétrole et du gaz ne cesse de se creuser. En outre, au sein même du marché gazier, les prix spot du gaz sont deux fois inférieurs à ceux des contrats d'approvisionnement de long terme. Ceci a donc conduit les consommateurs engagés sur le long terme avec des fournisseurs à ne prélever que la part minimale prévue dans leur contrat, le reste de leur besoin étant acheté sur les marchés spot où les prix sont beaucoup plus attrayants. D'autre part, les Etats-Unis ont développé la production de gaz dite non conventionnelle, à base de schiste. L'exploitation des gaz non-conventionnels est certes plus chère et plus polluante que celle du gaz classique, mais la multiplication du forage horizontal et les nouvelles techniques de stimulation ont divisé les coûts par deux. L'exploitation de ces gaz aurait presque doublé en deux ans, modifiant la demande américaine. Ainsi, les Etats-Unis ne sont plus demandeurs de gaz naturel liquéfié (GNL) provoquant un important surplus de gaz et créant une bulle gazière faisant chuter les prix. Dans ces conditions, certains pays producteurs s'interrogent sur la poursuite de leurs investissements dans la chaîne du GNL qui sera soumise à un marché spot et dont les débouchés sont plus incertains maintenant que les Américains n'importent plus de gaz. Le Department of Energy a ainsi revu à la baisse ses prévisions de demande de GNL de plus de 60% à l'horizon 2020. Un mouvement de gel, voire même d'abandon de plusieurs projets de regazéification est en cours. Enfin, la surabondance de l'offre GNL est également responsable de cette bulle avec la mise en service de nombreux projets au Qatar, en Indonésie, en Russie et au Yémen. Certains pays ont accru leurs investissements de GNL qui est devenu plus compétitif, créant de nombreuses incertitudes autour des grands projets de gazoducs. En Europe, les projets de terminaux foisonnent. Le plus grand est entré en service en octobre 2009 au Royaume-Uni. En quelques années, la carte gazière s'est complètement transformée. Le développement du GNL a tout d'abord ouvert un marché mondial et des marchés spot. Les usines de liquéfaction se sont multipliées au Moyen-Orient, pour répondre aux marchés américain et japonais. Aujourd'hui, ce sont les nombreuses découvertes de réserves et le développement des gaz non conventionnels qui perturbent le marché. La cartographie des réserves est en constante évolution au gré des nouvelles découvertes en Israël, Nigeria, Lybie, Chine... De nombreuses nations ont ainsi compris l'enjeu et exploitent leurs propres gisements. D'après les experts, ces évolutions devraient se poursuivre et accroître les potentialités gazières de nombreux pays. La taille des réserves de gaz des Etats-Unis ont plus que doublée avec les nouvelles techniques d'extraction de gaz naturel piégé dans les roches, estimées à plus de 100 ans de consommation (environ 85 000 milliards de m3), en plus des réserves conventionnelles en Alaska ou dans le Golfe du Mexique. L'engouement des grandes compagnies pétrolières prouve que ces ressources sont prises très au sérieux. A titre d'exemple, Statoil et Total ont investi dans ce domaine aux Etats-Unis. De nombreux projets voient le jour en Europe particulièrement en Pologne (200 ans de réserves estimées) mais également en Australie. Les producteurs traditionnels de gaz ont donc du souci à se faire. L'offre importante de gaz sur le marché et les projets qui vont entrer en production font que cette " bulle gazière " devrait encore durer jusqu'en 2015 pouvant entraîner des modifications dans la structure des approvisionnements des entreprises. Ainsi, l'impact de la reprise économique sur la demande en gaz apparaît incertain. Par ailleurs, le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL devrait modifier la donne au plan mondial et risque d'être rejoint par de nombreux pays comme la Chine. Ce succès du gaz non conventionnel pourrait alors limiter l'essor du GNL. Cette nouvelle configuration des prix pourrait alors conduire à revoir l'indexation des prix du gaz aux prix du pétrole.