L'une des plus grandes fêtes du tapis, le festival d'Ath Hichem dans la commune d'Aït Yahia à 50 km au sud-est de Tizi Ouzou était une occasion inouïe de revenir l'espace d'un rendez-vous aux signes et symboles séculaires imaginés par la femme kabyle pas recluse du tout. Clôturé le premier août dernier ce festival qui a duré une dizaine de jours a été inauguré de façon très officielle par le chef de Daïra de Ifferhounène, des directeurs de wilaya de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat et de la Pêche et des Ressources halieutiques. Après les remerciements d'usage adressés à la ministre de la Culture, Khalida Toumi initiatrice du festival place à la fête proprement dite chargée de couleurs et de formes aussi bariolées que riches. Selon le commissaire du festival, Amokrane Ould Bélaid " ce festival outre son caractère culturel et festif était une belle opportunité pour la sauvegarde de ce patrimoine séculaire et sur la promotion des tisseuses qui en sont les véritables gardiennes de ce temple. " pour Ould-Ali, directeur de la Culture de la wilaya de Tizi-Ouzou qui a rendu hommage à la population locale qui a su préserver son séculaire sens de l'hospitalité, "le plus important n'est pas dans la dénomination de fête ou de festival de la manifestation mais avec le statut de festival c'est tout le legs de nombreuses générations qui en sera que mieux préservé et surtout épanoui au même titre que celles qui le perpétuent à savoir les tisseuses ". Ce festival a vu la participation de 13 wilayas que les représentants ont judicieusement réparties à travers les 75 stands érigés au niveau des deux établissements scolaires (école primaire et collège) mitoyens de cette localité d'Ath Hichem relevant de la commune d'Ath Yahia. Le clou de cette manif est sans conteste la présence de Nouara, la diva de la chanson kabyle qui rechigne depuis des années a remonter sur scène alors que ça semble à tous que c'est son milieu naturel. Le pittoresque village d'Aït Hichem a fait donc la fête et les femmes ont reçu de vibrants hommages par la population locale très séduite par leur œuvres créatrices. C'est le tapis baptisé du nom éponyme qui a fait connaître, au-delà des frontières nationales, ce village perché à 1.200 m d'altitude environ sur une crête de Aïn El Hammam, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tizi-Ouzou. Un art de mère en fille Sa renommée, ce village la doit, incontestablement, à ses tisserandes, ces femmes aux doigts de fée qui se sont ingéniées à conférer une beauté à ce produit artisanal, tout en lui permettant de préserver son authenticité et de traverser des siècles sans subir la moindre ride. Dès leur jeune âge, les filles d'Aït Hichem sont initiées au tissage, représentant leur ressource de vie, voire même leur raison d'être. Enseigné de mère en fille, ce métier constitue également, pour ces gardiennes de valeurs ancestrales, un moyen d'expression de leurs sentiments de femmes, guère avantagées par les dures conditions de vie dans cette région montagneuse. Derrière la beauté esthétique du tapis se cache, en effet, de lourdes peines et souffrances, souvent refoulées par ces braves femmes, mais qu'elles s'évertuent d'exprimer discrètement et d'une manière artistique pour s'extérioriser tout en gardant leur dignité. En attestent ces motifs berbères qu'elles confectionnent patiemment derrière leur métier à tisser, pour donner forme à autant de symboles chargés de sens. A travers ces motifs de décoration du tapis, les tisseuses ne font, en vérité, que traduire leur dure condition féminine. Tout en ourdissant la laine, elles chantent de longues complaintes (Ichawiqen) pour se donner courage et avancer dans la besogne. Le tissage est un métier fastidieux, nécessitant l'accomplissement de plusieurs étapes pour donner corps au produit souhaité, dans ses multiples gammes, dont les plus célèbres sont "Aavane" et "Akhellal". Des modèles uniques d'anciens tapis sont encore conservés par des familles. De cachet typiquement berbère, le tapis d'Aït Hichem se singularise par la richesse de ses motifs, porteurs d'une symbolique aussi riche de messages, et dont l'histoire raconte le vécu des femmes tisseuses. Un tapis est généralement décoré sur la base de motifs symboliques comme le losange, le serpent ou encore l'étoile.