Comme notre patrimoine culturel est très riche et varié, l'artisanat traditionnel du tapis est aussi l'un de ce vaste legs culturel populaire. Citons dans ce contexte, le tapis du Guergour, ainsi nommé en raison de la proximité de la ville qui l'a vu naître (Hammam Guergour, au nord de la wilaya de Sétif) qui demeure toujours, malgré une régression marquée de sa production ces dernières années, le produit symbole par excellence de l'artisanat traditionnel authentique de cette région. Chargé d'un legs culturel populaire, qui n'a pas cessé de s'enrichir et de s'affiner au fil des siècles, ce tapis dénote du savoir faire, du sens créatif et du goût artistique de la femme guergourienne qui en est la principale productrice. Transmis de génération en génération, la fabrication de ce tapis, emblème de cette petite localité montagneuse, demande beaucoup de doigté, de patience et de "métier" en raison de la finesse des motifs géométriques qui le décorent et en font la particularité. Bien que d'aucuns prétendent que le tapis du Guergour est originaire d'Anatolie, à cause des fortes similitudes avec les tapis turcs, l'on constate que ses dessins, de même que ses couleurs, sont plutôt inspirés de l'environnement local et de la vie quotidienne des gens. Les motifs, qui viennent généralement orner un fonds écarlate ou de couleur rouge foncé virant vers le grenat, sont autant de signes qui retracent de manière codée les traditions et autres us et coutumes et valeurs de la région. Outre son importance culturelle, le tapis constitue également une ressource économique pour les familles qui le commercialisent. De nombreuses raisons dont la cherté de la matière première, ont toutefois fait que la production du tapis du Guergour ait connu une grande régression ces dernières années. Le prix élevé de la laine et des tanins, et la déperdition progressive du métier de teinturier traditionnel (ghattas), qui fait partie intégrante de l'artisanat du tapis, ont causé d'énormes torts à cet art séculaire, indiquent des responsables de la direction de la petite et moyenne entreprise. Ainsi, une femme artisan, réputée dans ce domaine, affirme, pour sa part, que l'effort et le temps nécessités pour le tissage du tapis ont fait que celui-ci est "très cher" et donc pratiquement invendable puisqu'il revient en moyenne à 80 000 dinars la pièce. D'autres femmes imputent cette régression de la production du tapis de Guergour à la profusion du "synthétique", beaucoup moins onéreux, et la forte concurrence qui existe, en la matière, sur le plan international où le tapis algérien a du mal à se frayer une place. La sauvegarde de ce patrimoine devient donc une préoccupation pour les autorités locales qui envisagent de mettre en place des centres pour enseigner ce métier aux jeunes femmes qui désirent l'apprendre et le pratiquer. Il importe de relever, par ailleurs, que la Chambre de l'artisanat et des métiers de la wilaya de Sétif, qui prodigue depuis plusieurs années des aides aux femmes au foyer, que ce soit dans le cadre de la promotion du monde rural ou au titre du Fonds national de promotion de l'artisanat, déploie des efforts soutenus en vue d'attirer ces femmes vers l'artisanat du tapis. De nombreuses femmes des régions de Hammam Guergour, Bougaâ, Béni Ourtilane et Tala Ifècen ont, dans ce cadre, bénéficié de l'octroi de métiers à tisser et de lots de matière première nécessaire à la fabrication du tapis. Enfin, le tapis reste, en effet, l'un des symboles de notre patrimoine culturel qu'il faut le promouvoir et le faire renaître afin de sauvegarder la tradition.