Ibn Khaldoun disait dans sa Mouqaddima que l'homme était le produit de son environnement naturel. Son comportement social et culturel s'en ressent immanquablement. Alors, les hommes pour se couvrir pour se rendre beaux, et pour s'entourer du beau, ils créent…. Chacune de ses créations qui nait dans un espace temps donné, donne toute la mesure et à cet endroit et aux êtres qui y vivent. Ainsi va pour le récit d'une invention sétifienne, le tapis du Guergour. Ce nom tire son sens de la proximité de la ville qui l'a vu naître, Hammam Guergour, situé au nord de la wilaya de Sétif. Malgré une régression marquée dans sa production ces dernières années, le tapis de Guergour demeure l'œuvre symbôle de l'artisanat traditionnel authentique de cette région. Chargé d'un legs culturel populaire qui n'a pas cessé de s'enrichir et de s'affiner au fil des siècles, ce tapis dénote du savoir faire, du sens créatif et du goût artistique de la femme guergourienne qui en est la principale productrice. Encore une fois, cet art féminin par excellence, est transmis de génération en génération, par des “Pénélopes” laborieuses et secrètes. Car la fabrication de ce tapis, emblème de cette petite localité montagneuse, demande beaucoup de doigté, de patience et de “ métier ” en raison de la finesse des motifs géométriques qui le décorent et en font la particularité. Bien que d'aucuns prétendent que le tapis du Guergour est originaire d'Anatolie, à cause de fortes similitudes avec les tapis turcs, l'on constate que ses dessins, de même que ses couleurs, sont plutôt inspirés de l'environnement local et de la vie quotidienne des gens. Comme c'est d'ailleurs le cas pour le tapis des Aurès ou encore de la Kabylie. Les motifs qui viennent généralement orner un fonds écarlate ou de couleur rouge foncé virant vers le grenat, sont autant de signes qui retracent de manière codée les traditions et autres us et coutumes et valeurs de la région. Outre son importance culturelle, le tapis constitue, également, une ressource économique pour les familles qui le commercialisent. De nombreuses raisons, dont la cherté de la matière première, ont toutefois fait que la production du tapis du Guergour a connu une grande régression ces dernières années. Le prix élevé de la laine et des tanins, et la déperdition progressive du métier de teinturier traditionnel (ghattas), qui fait partie intégrante de l'artisanat du tapis, ont causé d'énormes torts à cet art séculaire, indiquent des responsables de la direction de la petite et moyenne entreprise. F. Rebiha, une femme artisane réputée dans ce domaine affirme, pour sa part, que l'effort et le temps nécessités pour le tissage du tapis ont fait que celui-ci est “ très cher ” et donc pratiquement invendable puisqu'il revient en moyenne à 80.000 dinars la pièce. D'autres femmes imputent cette régression de la production du tapis de Guergour à la profusion du “ synthétique ”, beaucoup moins onéreux, et la forte concurrence qui existe en la matière sur le plan international et où le tapis algérien a du mal à se frayer une place. La sauvegarde de ce patrimoine devient donc une préoccupation pour les autorités locales qui envisagent de mettre en place des centres pour enseigner ce métier aux jeunes femmes qui désirent l'apprendre et le pratiquer. Il importe de relever, par ailleurs, que la Chambre de l'artisanat et des métiers de la wilaya de Sétif, qui prodigue, depuis plusieurs années, des aides aux femmes au foyer, que ce soit dans le cadre de la promotion du monde rural ou au titre du Fonds national de promotion de l'artisanat, déploie des efforts soutenus en vue d'attirer ces femmes vers l'artisanat du tapis. De nombreuses femmes de la région de Hammam Guergour, Bougaâ, Béni Ourtilane et Tala Ifècen ont, dans ce cadre, bénéficié de l'octroi de métiers à tisser et de lots de matière première nécessaire à la fabrication de tapis