L'on ne parlera jamais assez de la situation catastrophique que vit l'artisanat à Sétif, malgré les maintes promesses de prise en charge de ce secteur. L'artisan est livré à lui-même pour ne pas dire carrément abandonné, sinon comment expliquer la lente dégradation d'un art de vivre à travers l'ensemble du territoire de la wilaya, particulièrement dans certaines localités jouissant d'une tradition artisanale séculaire, à l'exemple de Hammam Guergour, Boutaleb, Djemila, El Eulma, Beni Aziz, Aïn Kebira, et bien entendu Sétif ! Cette richesse dans la diversité était symbolisée, dans la région nord, par l'incomparable tapis du Guergour, une spécificité culturelle dont la richesse n'a d'égal que l'attachement résolu et poignant de la population à un produit, qui est malheureusement aujourd'hui à l'agonie. A Djemila, l'antique Cuicul, les potiers, qui faisaient autrefois la fierté de la région, ont, l'un après l'autre, disparu à cause de l'appauvrissement, et faute d'une prise en charge réelle. C'est le même cas de figure à Aïn Kebira, les potiers et autres artisans bijoutiers qui activaient dans de nombreux quartiers ont tous plié bagage pour aller sous d'autres cieux en quête d'une autre activité plus lucrative. Dans cette tourmente, le métier à tisser ainsi que le travail de l'alfa, qui a fait la réputation de la région de Boutaleb, particulièrement le tapis localement connu sous le nom de « frèche Boutaleb », il n'en reste absolument plus rien. Le travail de l'alfa est un métier très dur qui demande, selon certains artisans de la localité, beaucoup d'efforts et surtout des moyens matériels conséquents, chose qui malheureusement fait défaut à Boutaleb, une région montagneuse et enclavée. La sparterie et le travail artisanal n'intéressent plus personne, au vu de l'indifférence de ceux qui ont la charge de la promotion et surtout de la protection de cette activité séculaire, existant depuis la nuit des temps. A El Eulma, la broderie, le tissage, la bijouterie, la poterie, la maroquinerie et la dinanderie faisaient partie du quotidien de la population. Ils étaient exercés à travers toute la ville, notamment au niveau de Harat Goutali au centre-ville. Avec le temps, tout a disparu dans l'indifférence totale ; tous les métiers ont été ensevelis, laissant place au commerce de bazar qui a totalement transformé la ville. Même chose au niveau du chef-lieu de wilaya. A Sétif, depuis l'antique sétifis, la vie s'est toujours déroulée à Bab Biskra, quartier populaire au cœur de la ville, au teint du Sud, où se retrouvaient toutes sortes de commerçants, particulièrement les artisans. Ces derniers exerçaient leur activité dans la rue, véritable place de négoce et vitrine pour le travail artisanal, notamment avec la robe sétifienne, douce et légère avec ses couleurs chatoyantes et bariolées au ton de feu, symbole de l'éclectisme culturel de cette ville. Cette robe cultive le mythe de la beauté, de la grâce et du raffinement parce qu'elle est tout simplement l'emblème des Hauts-Plateaux sétifiens. Cette vitrine n'est malheureusement aujourd'hui qu'un simple décor. Tous les artisans ont plié bagage, laissant place à toutes sortes d'activités improvisées, avec des produits « made in » aux mains d'opportunistes en quête de gain facile. Evidemment, l'artisanat n'est plus ce qu'il était auparavant, faute d'une prise en charge réelle. Le constat est amer. Dans certaines localités, il est enterré sans sépulture ni cérémonial. L'exemple de Boutaleb et du Guergour se passe de tout commentaire.