La Russie ne connait pas de pénurie de céréales et il n'y a pas de raisons que les prix augmentent brusquement, a déclaré vendredi le Premier ministre Vladimir Poutine. "D'abord, la Russie possède d'importantes réserves de céréales accumulées depuis l'année dernière et 2008," a tranché M. Poutine lors d'une interview accordée à des agences de presse le long d'une autoroute nouvellement construite dans la région du Far East. Il a indiqué que l'Etat possédait un total de 9,5 millions de tonnes de céréales, dont 3 millions de tonnes de céréales fourragères. En outre, la Russie a amassé 21 millions des céréales dites d'une saison à l'autre, qui appartenaient à des entités économiques et qui sont conservées dans le pays, a-t-il raconté. En plus des prévisions d'une récolte de 60 millions de tonnes, le total dépasserait 90 millions, alors que la demande annuelle actuelle en céréales s'élève à entre 77 et 78 millions de tonnes, a expliqué le Premier ministre. "En d'autres termes, tout se passera bien cette année... Dans ce contexte, il n'y a pas simplement de conditions préalables à une hausse brusque des prix," selon M. Poutine. Il a par ailleurs défendu la décision du gouvernement de suspendre temporairement les exportations de céréales, évoquant les incertitudes liées aux récoltes russes d'hiver de cette année et de l'année prochaine. Pour ce qui est d'une hausse des prix aussi "artificielle," M. Poutine a également ordonné aux services compétents, particulièrement le Service fédéral de lutte contre le monopole, de réagir vigoureusement. "J'ai donné cette instruction et espère que le Service fédéral de lutte contre le monopole travaillera activement dans toutes les régions," a indiqué Poutine. Le gouvernement russe a récemment imposé une interdiction temporaire sur les exportations de céréales. Cette décision avait été prise après la chaleur de l'été et la sécheresse qui avaient porté un coup dur au secteur agricole et provoqué la baisse des prévisions de récolte à 60 millions de tonnes. La Russie a été frappée par une sécheresse record qui dure depuis avril et qui a été aggravée en juillet et août par une canicule sans précédent accompagnée d'incendies de forêt. Le gouvernement a abaissé à la mi-août à 60-65 millions de tonnes sa prévision de récolte de céréales pour 2010, contre 95 millions de tonnes initialement prévues. Un embargo sur les exportations a du coup été décrété du 15 août jusqu'à la fin de l'année, provoquant une hausse des cours mondiaux. Selon le Premier ministre, la Russie possède des réserves conséquentes de céréales, si bien que même avec une récolte réduite, la demande intérieure russe (77-78 millions de tonnes annuelles) sera couverte. Les prix du blé ont continué de retomber de leurs sommets cette semaine sur le marché à terme de Chicago, grâce à l'amélioration des conditions climatiques en Russie, mais la fermeté de la demande a soutenu maïs et soja. "La Russie a bénéficié d'un répit: les températures y sont plus fraîches, et le pays a profité de pluies bienvenues, a expliqué Frank Cholly, de la maison de courtage Lind-Waldock. La question est de savoir si l'humidité dans le sol sera suffisante pour semer le blé d'hiver, et il semble que cela sera le cas. Autre nouvelle rassurante, l'Ukraine, un autre important exportateur de céréales touché par la sécheresse, n'a pas annoncé pour l'instant de restrictions à ses exportations, comme envisagé un temps. Mais "la demande est très bonne" pour la production américaine, a noté M. Cholly. Le relevé hebdomadaire des exportations des États-Unis a fait état une nouvelle fois de fortes ventes, de plus d'un million de tonnes pour le blé et le maïs, et près du même volume pour le soja. "Les prix des céréales restent soutenus proches des niveaux élevés qu'ils ont atteints ces derniers temps, ont estimé les analystes de Barclays Capital. En plus des conditions climatiques défavorables, qui ont touché la production autour de la mer Noire, au Canada et au Pakistan, les interventions des gouvernements (qui achètent des quantités importantes, NDLR) ont ajouté une nouvelle source d'incertitude." "La demande pour la production américaine semble constituer un facteur de soutien, et le maïs devrait être le principal bénéficiaire de la diminution de l'offre de blé dans l'ex-Union soviétique", ont-ils ajouté. Le contrat de blé pour livraison en décembre a reculé pour la troisième semaine d'affilée, s'échangeant vendredi vers 11h15 à 6,87$ le boisseau (environ 25 kg) vendredi, contre 7,12$ sept jours plus tôt. Il s'était envolé de 60% sur les cinq semaines précédentes. Le contrat de maïs pour livraison en décembre s'établissait à 4,3750$, contre 4,3625$ il y a une semaine. Le contrat de graines de soja à échéance en novembre montait à 10,21$ le boisseau contre 10,04$ vendredi dernier.