Les craintes des pays consommateurs d'une “Opep du gaz” sont excessives. Selon M. Nicolas Sarkis, directeur de la revue Pétrole et Gaz arabe, contrairement au cas du pétrole, les pays consommateurs, et surtout l'Union européenne (UE), ont un marché extrêmement organisé qui peut contraindre les producteurs à vendre au plus bas prix. Dans une interview accordée récemment au quotidien français Le Monde, M. Sarkis précise qu'au nom de la libre concurrence, Bruxelles lutte en particulier contre la "clause de destination" qui, dans les contrats à long terme, interdit les réexportations d'un pays à l'autre. Le directeur de PGA s'étonne de la réaction des consommateurs qui poussent "des cris quand les pays exportateurs de gaz font mine de s'organiser pour obtenir de meilleurs prix", alors qu'il y a un "cartel de fait" entre les pays importateurs européens. Il a ajouté à ce titre que le gaz est, dans bien des contrats, vendu à un prix inférieur à sa véritable valeur, en particulier calorifique. Les pays exportateurs de gaz (PEG) ont un intérêt évident à coopérer, a-t-il indiqué, car le rapport de force entre producteurs et consommateurs s'est largement modifié et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le gaz naturel est la matière première énergétique dont la demande croît le plus vite, +2,5 % à 3 % par an, contre 1,4 % à 1,5 % pour le pétrole. Ensuite, elle est la plus abondante et la plus disponible. Le ratio entre réserves prouvées et production est de 60, contre 40 pour le pétrole. Par ailleurs, la demande mondiale va exploser dans la prochaine décennie, car les derniers gisements européens s'épuisent. Les Etats-Unis, jusqu'ici autosuffisants, deviendront importateurs, et les fournitures canadiennes ne suffiront plus. La Chine, l'Inde deviendront également importateurs. Les PEG sont dans une situation de plus en plus confortable et vont être de plus en plus courtisés, a conclu M. Sarkis. Aujourd'hui, les PEG cherchent d'abord à améliorer leurs revenus, en particulier pour financer leurs investissements et payer leurs dettes. Mais ils ont tout intérêt, comme les pays consommateurs, à bénéficier de marchés prévisibles et sûrs. On utilise toujours le terme de sécurité des approvisionnements, mais la sécurité des débouchés est tout aussi importante. L'indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole garantit certes des prix élevés aux producteurs, mais avec retard. Pour M. Sarkis, Les règles de l'indexation exigent que le prix du pétrole reste longtemps à un niveau donné avant de changer le prix, et le calcul est long et compliqué. Les PEG pourraient tirer un meilleur parti de la position de force que l'explosion continue de la demande leur autorise. L'expression de "cartel" ne paraît pas pour l'expert, pas plus que pour l'Opep, recouvrir la réalité. Il ne faut pas exagérer le pouvoir de marché de ces pays face à des puissances comme les Etats-Unis ou l'UE. L'Opep a souvent cédé, voire précédé, les demandes des consommateurs lorsqu'il s'agissait de compenser les pertes de production dues à l'invasion de l'Irak, ou à l'ouragan Katrina. Par ailleurs, le directeur de PGA a estimé qu'il ne faut pas exagérer les rigidités du marché. D'une part, nombre de ces contrats, représentant la majorité de la production, vont arriver à terme et devront être renégociés ; d'autre part, le gaz naturel liquéfié (GNL), aisément transportable, représente déjà un quart du marché, et va exploser dans les années à venir, en raison de la demande indienne et chinoise.