Ce qui se passe sur la scène pétrolière actuelle est très différent de ce qui s'est passé lors des précédents chocs comme celui de 1973, selon Nicolas Sarkis, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes (PGA) et le Centre arabe d'études pétrolières. Si, en 1973, l'augmentation des prix a résulté d'une rupture de l'approvisionnement, cette fois-ci il n'y a pas eu de demande qui n'a pas trouvé de pétrole, selon l'expert. Dans une conférence-débat organisée mercredi soir à l'hôtel El Aurassi par le MDI-Club Excellence Management et dont l'intitulé était « Mutations énergétiques mondiales : quelles conséquences sur l'Algérie ? », Nicolas Sarkis a estimé que ce qui se passe sur la scène pétrolière depuis 5 ans est un phénomène qui suscite beaucoup d'interrogations. Ce phénomène est celui des prix qui sont passés de 22-23 dollars le baril en 2003 à 130 dollars le baril en 2008. Pour l'Algérie, les recettes qui étaient de 15 ou 16 milliards de dollars par an passent à 56 milliards de dollars ou peut- être à 81 milliards de dollars pour 2008. La question qui se pose est : est-ce que ce phénomène est durable ou non, selon le conférencier. Une rechute des prix n'est pas à exclure, selon lui. Abordant les causes de cette augmentation, M. Sarkis cite celles qui sont visibles : l'invasion de l'Irak en 2003, l'accélération de la demande dans les pays émergents, à savoir la Chine et l'Inde. L'accélération est si forte que tous les pays producteurs ont utilisé leurs capacités excédentaires. Dans ce contexte, le moindre incident technique peut toucher l'approvisionnement, vu la faiblesse des capacités excédentaires et qui ne sont constituées que de pétrole lourd, selon le conférencier. Parmi les autres facteurs cités, figurent le conflit sur le nucléaire entre l'Occident et l'Iran, les problèmes politiques vécus au Nigeria et au Venezuela, les facteurs climatiques comme les cyclones aux Etats-Unis. A propos de la demande mondiale, il y a un consensus à long terme, selon le conférencier. Elle passera de 86 millions de barils par jour actuellement à 116-117 millions de barils en 2030. Mais le problème qui se pose, soutiendra-t-il, est qu'il n' y a plus de grandes découvertes ; on ne trouve que les petits gisements et il y a des craintes au sujet du Mexique et de l'Iran avec un possible déclin de leur production. L'Iran pourrait devenir importateur dans 5 à 10 ans, a-t-il révélé. Des questions se posent aussi pour la Russie dont la production de pétrole a connu un recul en janvier dernier. Pour tout cela, le conférencier estime que la question du « pic oil » est sérieuse. Pour étayer cette affirmation, il citera les propos tenus récemment par le PDG de Total qui a estimé que si ça continue, la production mondiale dans les conditions actuelles atteindra très difficilement une production de 100 millions de barils par jour. Toujours dans le même ordre d'idées, il citera un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui considère que le monde se trouve dans une situation doublement alarmante et l'offre est loin d'être là, d'où la nécessité de réduire la consommation. Pour résumer, le conférencier a indiqué qu'à terme, les prix du pétrole sont condamnés à augmenter, mais ceci n'exclut pas aussi une chute si par exemple les problèmes géopolitiques trouvent des solutions. La même situation se pose pour le gaz naturel dont le pic de production n'est pas très éloigné de celui du pétrole. « Ce que nous vivons est une mutation structurelle », selon Nicolas Sarkis. Un véritable big bang est possible, a-t-il ajouté.