Ibrahim Taouti, Senior Partner Lawhouse La plupart des entreprises commerciales et industrielles gèrent leur fiscalité en focalisant seulement sur son coût, avec cet objectif de payer le moins possible d'impôts. De fait, elles ne prennent en considération que le seul bénéfice revenant aux propriétaires du capital. Elles ignorent les intérêts des autres parties prenantes de l'entreprise . Cette façon de gérer la fiscalité de l'entreprise est qualifiée souvent d'agressive, alors qu'elle risque de miner l'avenir du rendement de l'entreprise à moyen et à long termes. Cela ne signifie absolument pas que le profit financier soit condamnable ; il est le but même de toute entreprise industrielle ou commerciale (article 416 du Code civil). Faute de profits, l'entreprise n'a plus de raison d'être : elle cesse d'exister. Même là où la taxe n'est pas liée au bénéfice, par exemple celle liée au chiffre d'affaires, le bénéfice est nécessaire pour son paiement. Une politique fiscale proactive fondée sur la responsabilité sociétale de l'entreprise , prônant de bonnes relations avec les parties prenantes de l'entreprise, y compris l'administration fiscale, les travailleurs, la clientèle et la communauté en général est plus à même d'assurer la durabilité des bénéfices. Cette politique lui assure aussi une bonne réputation. De fait, la gestion du risque fiscal est un composant essentiel de la RSE qui implique qu'elle n'est pas limitée à la seule sphère économique, c'est-à-dire à l'objectif financier de l'entreprise. En effet, au lieu de limiter la vision fiscale de l'entreprise à l'aspect légal de conformité, avec le but de maximiser le bénéfice en payant le moins d'impôts, une plus large vision sera plus rentable à long terme si elle inclut le couple risques/opportunités et si elle lie les objectifs social et écologique à l'objectif financier de l'entreprise. Une telle politique fiscale, proactive, va mettre en jeu une gamme d'autres facteurs pouvant influencer de manière significative sur la stratégie fiscale et les résultats finaux du fonctionnement de l'entreprise. L'expérience internationale a établi qu'une gestion d'entreprise fondée sur la RSE génère un bénéfice durable, lequel bénéfice est entendu au sens plus large que ne le permet le seul critère financier. Il s'étend au bénéfice que réalisent toutes les parties prenantes, en plus des propriétaires de son capital. Cette stratégie prend en charge les intérêts et les espérances des parties prenantes de l'entreprise devant lesquelles elle est responsable. Elle ouvre les possibilités d'un meilleur contrôle à long terme de la valeur ajoutée créée, sans limiter la décision de politique fiscale au coût de l'impôt à éviter ou à diminuer. Elle considère l'impôt comme une exigence légitime à payer sur le profit gagné au sein d'une communauté, laquelle contribue à son enrichissement après lui avoir implicitement donné la ''légitimité d'entreprendre en son sein''. Contrairement à une idée répandue, cette approche n'induit pas nécessairement le paiement de plus d'impôts. Elle implique cependant une large et profonde évaluation de la politique fiscale de l'entreprise dans un cadre stratégique permettant d'aller au-delà de la pensée traditionnelle. Le nombre de plus en plus important des compagnies qui rendent compte de leurs paiements d'impôts en tant qu'élément de leur résultat financier dans les rapports de RSE, suggère implicitement que ce paiement est un élément important de leur RSE globale. De nombreuses entreprises qui ont décidé et appliqué cette politique de RSE au triple plans social, écologique et économique ont généré des avantages durables et considérables, alors que l'on s'attendrait plutôt à des augmentations du coût immédiat. L'explication du succès financier est dû au fait que la stratégie RSE est principalement basée sur l'évitement des risques et la saisine des opportunités. Il n'est plus rare d'entendre l'argument selon lequel les compagnies qui s'engagent dans une stratégie RSE moralement soutenable ne le regrettent pas, car cette décision a conforté leur motivation principale qui est, en tant qu'entreprises visant le profit durable, de faire des bénéfices le plus longtemps possible. Inversement, les entreprises réticentes à cette stratégie, y compris quelques leaders mondiaux dans leur secteur, ont été contraints de l'adopter après avoir subi des revers dont les séquelles continuent de produire des effets désastreux sur leur réputation et en les obligeant à des paiements imprévus considérables. Si la politique fiscale de l'entreprise doit être conçue et appliquée selon des critères de RSE, cela implique que son service fiscal adopte des mesures de comptabilité et de contrôle économique sans limiter sa vision à des critères seulement financiers à court terme. Cela n'empêche pas que la gestion technique de la fiscalité soit adaptée à la RSE pour s'assurer de la pérennité du bénéfice, en évitant les risques et en saisissant les opportunités, sans se limiter au seul " volume " de l'impôt. Celui-ci sera payé dans des lieux volontairement choisis en se basant, au plan national, sur la politique de promotion des régions, par exemple, et au plan international sur les nombreuses conventions fiscales bilatérales, régionales et internationales de coopération et d'évitement de la double imposition. Comment les entreprises pourraient-elles adopter une stratégie RSE au regard de la fiscalité ? Nous décrivons et analyserons deux principes importants tirés de la pratique : celui de responsabilité et de transparence. Ces principes constituent un cadre robuste à l'approche responsable des politiques fiscales planifiées de l'entreprise. Principe de responsabilité sociétale : Quand une entreprise est jugée responsable de la façon de travailler de sa chaîne d'approvisionnements, c'est-à-dire ses filiales, fournisseurs et sous-traitants, une telle question a été résolue par la RS de ladite entreprise. De nombreuses entreprises n'ont pas compris pourquoi elles devraient être responsables de ce qui s'est produit chez le cocontractant dans une transaction à laquelle elles ne sont que partie au contrat. La réponse peut être vue à partir d'une perspective globale, et non dans un cadre interne purement formel. Certes, la question paraît comme étrangère à l'entreprise, mais une fois conçue dans une perspective plus large, des questions telles que la fraude fiscale, l'exploitation du travail des enfants, le caractère polluant et préjudiciable à la communauté locale, la discrimination, la mauvaise qualité des produits, la sécurité et la santé des travailleurs, etc. deviennent clairement des sujets auxquels chaque entreprise est confrontée. Les entreprises sont impliquées, même indirectement, et peuvent être l'objet de poursuites judiciaires sur la base de la responsabilité du fait d'autrui si elles occupent une place prépondérante dans la chaîne du produit et/ou service, qui va de la matière première au produit ou service offert au consommateur final. Considérée du point de vue de la crédibilité de l'entreprise et du point de vue du résultat financier durable, toute question indirecte sera donc admise comme les concernant. Les entreprises ont fini par admettre leur responsabilité après avoir réalisé que l'impact de tels faits sur leurs engagements contractuels ont des conséquences préjudiciables si ces faits ne sont pas pris en charge de manière proactive. L'approche que la grande majorité des entreprises responsables adoptent à l'égard de la fiscalité est analogue. Les entreprises sont donc jugées responsables de l'impact au sens large de leurs activités économiques, et de leur politique fiscale. De plus en plus d'actionnaires encouragent leurs compagnies pour agir en conformité à leur responsabilité de manière adéquate, et que cette responsabilité régisse aussi le paiement des impôts.